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ÉPIGÉNÉTIQUE

Une nouvelle perception du lien entre génétique et environnement

Outre la progression des connaissances fondamentales des mécanismes épigénétiques et donc du contrôle de l’ expression des gènes, des conséquences pratiques de ces avancées sont attendues dans le domaine du diagnostic médical, du développement de médicaments et de la production de cellules souches. En effet, les marques épigénétiques constituent de véritables biomarqueurs permettant de distinguer les types cellulaires indépendamment de leur génotype. Il est maintenant établi que, pour une identité génétique donnée, il existe un grand nombre d’identités cellulaires et que l’épigénome participe à ces identités. Par ailleurs, nous sommes sous l’influence de nombreux facteurs qui pourraient être des perturbateurs de notre épigénome. Nos expériences vécues laissent des traces « au-dessus » de nos gènes et modulent la façon dont ceux-ci s’expriment. Mieux connaître les agents potentiellement épimutagènes, c’est-à-dire capables de modifier notre épigénome, et leurs conséquences est donc un véritable sujet de société.

Nous sommes ainsi amenés, devant les données obtenues quant à la transmission de marques épigénétiques à la descendance, à nous demander quelle est la part des mémoires épigénétiques que nous transmettons. Jusqu’à quel point les fonctions de nos gènes peuvent-elles être modulées par notre mode de vie, notre alimentation, notre éducation et nos interactions sociales ? Dans quelle mesure ces variations sont-elles « tolérables » par nos organismes et quand deviennent-elles pathologiques ? Quelles sont les parts relatives de la génétique et de l’épigénétique, de l’ acquis et de l’inné dans ce que nous sommes ? L’interaction du génome avec les facettes de l’environnement se traduit peut-être par des modifications plus durables qu’on ne le pensait. En laboratoire, la mémoire épigénétique ne se transmet que sur quelques générations. Chez les mammifères, la méthylation est presque totalement effacée et réécrite à deux reprises au cours de la vie, ce qui relativise donc l’impact des perturbations de cette marque dans l’hérédité. Mais cet effacement n’est pas total. Notre épigénome est aussi constitué par les marques d’histones, de la grande famille des ARN non codants, et d’autres molécules à découvrir. Génétique et épigénétique sont les deux faces de la même pièce qui définissent l’identité cellulaire, l’une stable, l’autre plastique. De ce fait, les mécanismes épigénétiques ne sont pas le moteur de l’évolution, mais ils y participent probablement en conférant aux organismes des « temps d’adaptation » qui dépassent la seule vie du sujet et qui pourraient être des éléments contributifs de la sélection naturelle des espèces.

— Ikrame NACIRI

— Pierre-Antoine DEFOSSEZ

— Olivier KIRSH

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Pour citer cet article

Pierre-Antoine DEFOSSEZ, Olivier KIRSH et Ikrame NACIRI. ÉPIGÉNÉTIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Place des mécanismes épigénétiques dans la théorie fondamentale de la biologie moléculaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Place des mécanismes épigénétiques dans la théorie fondamentale de la biologie moléculaire

Niveaux de contrôle épigénétique de l’expression des gènes - crédits : Encyclopædia Universalis France

Niveaux de contrôle épigénétique de l’expression des gènes

Niveaux de transmission de la mémoire épigénétique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Niveaux de transmission de la mémoire épigénétique

Autres références

  • ÉPIGÉNÉTIQUE ET THÉORIE DE L'ÉVOLUTION

    • Écrit par Laurent LOISON, Francesca MERLIN
    • 3 654 mots
    • 4 médias

    Le terme « épigénétique » est aujourd’hui très en vogue, aussi bien dans la littérature spécialisée que dans la presse de vulgarisation. On y associe souvent une connotation hétérodoxe et polémique, l’épigénétique étant vue comme marquant les limites de la génétique et de la...

  • AUTISME ET TROUBLES DU SPECTRE DE L'AUTISME

    • Écrit par Catherine DOYEN
    • 6 809 mots
    Enfin, l’épigénétique – c’est-à-dire la connaissance de l’impact de l’environnement sur l’expression des gènes –, prend une place importante dans les études sur le développement des troubles du spectre autistique. Protéger la grossesse et les liens parents-enfants, protéger des infections, etc., a pour...
  • CLONAGE

    • Écrit par Didier LAVERGNE, Jean-Paul RENARD
    • 5 025 mots
    • 3 médias
    ...(cassures, mutations, réarrangement). En outre, l'activité de synthèse d'un génome au cours du développement dépend étroitement de mécanismes de contrôle dits épigénétiques, c'est-à-dire des modifications biochimiques qui n'affectent pas directement la structure de l'ADN mais modifient...
  • ENDOMÉTRIOSE

    • Écrit par Corinne TUTIN
    • 2 848 mots
    • 3 médias
    ...variants génétiques affectant de diverses manières la prolifération et le cycle cellulaires, l’adhésion ou l’inflammation ont été identifiés. Des anomalies épigénétiques, avec modification de l’expression de certains gènes, semblent également jouer un rôle dans l’apparition de l’endométriose. D’autres travaux...
  • EXPOSOME

    • Écrit par Élodie GIROUX
    • 4 797 mots
    • 2 médias
    ...biochimiste, proposent une définition qui insiste sur l’importance d’inclure la mesure des processus endogènes générés par les expositions, comme les modifications épigénétiques. La focale est ici de nouveau sur l’environnement interne et sur la manière dont l’organisme réagit à l’exposition externe....
  • Afficher les 15 références

Voir aussi