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ÉMILE, OU DE L'ÉDUCATION, Jean-Jacques Rousseau Fiche de lecture

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Éducation de la nature, nature de l'éducation

En dépit d'un certain manque de lisibilité dû au mélange hétéroclite de conseils, expériences, dialogues, portraits, anecdotes, confessions et lectures diverses, l'unité de l'Émile réside dans le souci de concilier la liberté de l'élève avec la marche de la nature. L'originalité historique de la thèse défendue dans cet ouvrage tient à l'adaptation de l'entreprise pédagogique à l'enfant, appréhendé comme un objet doté d'une valeur intrinsèque. L'enfant y est considéré comme le support d'une singularité à respecter, dont les évolutions successives délivrent sans arbitraire les règles éducatives à même de le maintenir dans la voie des vertus originelles. La conduite à tenir par le gouverneur appelle donc observation et connaissance du sujet que Rousseau traite ici abstraitement, selon une méthode, d'ailleurs fréquente chez lui, visant à dégager des principes généraux et à construire un modèle utile à l'intelligibilité et à la résolution des cas particuliers et des situations concrètes.

La position de l'Émile dans la production générale de son auteur ainsi que la présence en son sein de réflexions sur l'égalité et d'un résumé du Contrat social invitent également à le replacer dans le cadre d'une anthropologie politique. La pédagogie du bonheur se déploie en effet à partir de la thématique, développée dans les Discours, de sa bonté originelle et de sa dénaturation en société. Dans ce cadre, l'appel à la religion naturelle, préférée pour la pureté de ses principes et la clarté de ses commandements aux vicissitudes et à la casuistique des religions historiques, participe de cette refonte de l'homme, à titre de facteur puissant de son humanisation selon un schéma surmontant les contradictions de la logique du cœur et de la raison.

Ce sont justement des instances politiques et religieuses que s'abattront les foudres de la critique. Comme Le Contrat social, l'Émile sera condamné, à Paris et à Genève, à être lacéré et brûlé, et son auteur décrété de prise de corps. Cependant, ces condamnations n'entravèrent en rien un succès, attribué au modèle laïque proposé, qui se prolonge encore aujourd'hui à travers les structures de formation des enseignants mais aussi par l'intermédiaire du jeu incessant des interprétations contradictoires et parfois forcées qu'offre sa polymorphie.

— Éric LETONTURIER

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Écrit par

  • : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Éric LETONTURIER. ÉMILE, OU DE L'ÉDUCATION, Jean-Jacques Rousseau - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Émile, J.-J. Rousseau - crédits : AKG-images

Émile, J.-J. Rousseau

Autres références

  • DEVOIR (notions de base)

    • Écrit par
    • 2 244 mots
    Au xviiie siècle, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), dans la « Profession de foi du vicaire savoyard » (au livre IV de son Émile, 1762), a exprimé la puissance de cette voix et la fierté que nous devons ressentir à l’idée d’en avoir le privilège : « Conscience, conscience ! Instinct divin,...
  • ÉMOTION (notions de base)

    • Écrit par
    • 3 349 mots
    ...guident. Cette conviction, défendue dans le Discours par le philosophe, apparaîtra plus nettement encore dans ses derniers écrits, en particulier dans Émile ou de l’Éducation (1762) : « Nous naissons sensibles [...] Sitôt que nous avons pour ainsi dire la conscience de nos sensations, nous sommes...
  • AUTRUI (notions de base)

    • Écrit par
    • 3 534 mots
    Rousseau développera plus tard dans Émile, ou de l’éducation (1762) des réflexions apparemment très différentes à propos de la « pitié », mais il ne faut y voir aucune contradiction, car ces chapitres concernent cette fois l’homme en société. Dès le Discours sur l’origine et les fondements...
  • NATURE / CULTURE (notions de base)

    • Écrit par
    • 2 454 mots

    « L’homme du monde est tout entier dans son masque. N’étant presque jamais en lui-même, il y est toujours étranger, et mal à son aise quand il est forcé d’y entrer. Ce qu’il est n’est rien, ce qu’il paraît est tout pour lui. » Cette affirmation, que l’on peut lire au livre IV d’...