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DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE

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Portée et limites de la démocratie participative

Les travaux en sciences sociales sur la démocratie participative, très nombreux, sont dominés par une perspective critique. Ils tendent à démontrer qu’elle construit essentiellement une forme nouvelle de consentement, qu’elle est avant tout formelle, qu’elle reste du domaine de la consultation et qu’elle ne remet en cause le pouvoir des représentants qu’à la marge. Cette approche reste centrée sur la question du rapport des citoyens à la décision. Un autre type d’analyse existe, qui s’intéresse aux possibilités d’apprentissage que ces dispositifs offrent au citoyen.

Faible incidence des procédures participatives

Force est de constater que la multiplication des procédures de participation n'a pas entraîné de redistribution du pouvoir : les dispositifs mis en place permettent seulement à une fraction limitée du public d’accéder à certains débats et à des procédures de concertation. Les possibilités déclaratives que la participation offre à l’élu – qui apparaît ainsi ouvert au dialogue – comptent finalement plus que sa mise en œuvre effective. Si la démocratie participative s’enracine localement dans les municipalités, c’est qu’elle ne remet pas fondamentalement en cause la démocratie représentative et la division traditionnelle du travail politique entre élus et citoyens. La démocratie participative fait donc partie intégrante de la démocratie représentative. Ses dispositifs permettent de donner le change bien plus qu'ils ne changent la donne…

La participation est ainsi devenue un nouveau registre de légitimation des élus, qui sont le plus souvent à son origine. Il s'agit au bout du compte defaire participer à tout prix, au point qu'on observe une « autonomisation croissante de l'offre de participation publique vis-à-vis d'une demande sociale » (Marion Carrel). Cette offre reste très institutionnelle, laissant peu de place à l’informel et à l’autonomie des citoyens, et la plupart des initiatives participatives se limitent à l’information ou à la consultation. Les élus locaux restent très attachés à la démocratie représentative et tout est entrepris pour limiter la portée des instances participatives. Comme l’a reconnu l’adjointe à la démocratie locale de Strasbourg, Chantal Cutajar, dans un article du journal Le Monde daté du 30 janvier 2019, la démocratie participative« côté élus, […] demande de lâcher du pouvoir, mais tout le monde n’est pas prêt à le faire ». Par ailleurs, et paradoxalement, les habitants sont le plus souvent invités à se prononcer sur des aspects de leur vie quotidienne à une échelle microlocale (leur quartier), alors même que les centres de décision se sont depuis longtemps déplacés de la commune vers l’intercommunalité. D’où cette impression de manipulation et de simulacre maintes fois dénoncée par les observateurs et les citoyens participants, souvent déçus et désenchantés.

Quelques évolutions induites par la participation

On ne peut en rester néanmoins à cette analyse et conclure au caractère exclusivement instrumentalisé de la participation et de ses usages politiques. Des phénomènes d'apprentissage se produisent en effet. Les dispositifs participatifs, même très encadrés, sont souvent débordés et produisent malgré tout des effets. Confrontés aux demandes sociales des habitants, les élus se voient souvent dans l’obligation de multiplier les exercices de justification et de légitimation. Les procédures de concertation ont aussi favorisé l’émergence de nouveaux espaces de débat, où les choix publics peuvent être discutés, où les autorités politiques et les institutions se trouvent interpellées. Les dispositifs participatifs peuvent améliorer la publicité faite à certains problèmes sociaux, légitimer la discussion d’un certain nombre de questions (dans les domaines de l’environnement, de la[...]

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Écrit par

  • : professeur de science politique à l'université de Lille

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Pour citer cet article

Rémi LEFEBVRE. DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 21/03/2024

Médias

Meeting de Podemos à Barcelone, 2014 - crédits : Josep Lago/ AFP

Meeting de Podemos à Barcelone, 2014

Emmanuel Macron lors du grand débat national, 2019 - crédits : Ludovic Marin/ AFP

Emmanuel Macron lors du grand débat national, 2019

Cahiers de doléances des gilets jaunes - crédits : Valery Hache/ AFP

Cahiers de doléances des gilets jaunes

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