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KERTÉSZ ANDRÉ (1894-1985)

Soixante-dix ans d'invention

En étant le premier à considérer la photographie comme un moyen d'expression à part entière, à la fois très simple et riche de possibilités infinies, Kertész en a inventé la modernité. En refusant de découper son activité en « métiers » spécialisés, en affirmant que l'on n'est photographe qu'à condition de se considérer comme auteur et de s'impliquer dans les images que l'on produit, il a rejeté, au cours de trois quarts de siècle de pratique, les conventions du pictorialisme du début du siècle et résisté à la valorisation de la compétence purement technique mise en avant dans les années soixante-dix.

Adoptant une attitude à la fois rigoureuse et farouchement éprise de liberté, il a pu, en mettant à profit l'évolution des techniques et du matériel de prise de vue, créer une œuvre en perpétuelle évolution. Ses seules redites sont celles du plaisir, des petites passions, comme cette constance à photographier les pigeons, entre autres ceux de Paris dont il disait qu'ils étaient « ses amis ». Refusant tous les formalismes (constructivisme, Bauhaus, futurisme) parce que trop démonstratifs, Kertész s'est interrogé sur le sens du graphisme en photographie. Refusant la gratuité de la forme qu'il contrôlait pourtant en esthète précis, il voulait qu'elle soit au service de son indéfectible attitude romantique et humaniste. Il tournait alors en dérision les affirmations du brio, du savoir-faire, techniciste ou autosatisfait. Il affirmait aussi que la seule nécessité, pour le photographe, c'est de savoir lire le travail de la lumière sur le monde et de savoir le traduire avec précision sur le papier et sur le plan. Kertész s'est contenté, avec une superbe humilité, de retourner à l'étymologie : écrire avec la lumière ou, plus précisément, lire la manière dont la lumière savait écrire le monde. Cette obstination lui a permis de réunir le corpus le plus riche de la brève histoire de la photographie, corpus qui a exploré, sans les épuiser, toutes les voies de la photographie contemporaine.

— Christian CAUJOLLE

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Pour citer cet article

Christian CAUJOLLE. KERTÉSZ ANDRÉ (1894-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Paris, A. Kertesz - crédits : Frac-collection Aquitaine

Paris, A. Kertesz

<it>La Martinique, 1<sup>er</sup> janvier 1972</it>, A. Kertész - crédits : Courtesy Attila Pocze, Vintage Galéria, Budapest

La Martinique, 1er janvier 1972, A. Kertész

Autres références

  • ANDRÉ KERTÉSZ (exposition)

    • Écrit par Noël BOURCIER
    • 1 003 mots

    La rétrospective André Kertész, organisée du 28 septembre 2010 au 6 février 2011, au Jeu de Paume à Paris, rassemble près de trois cents « épreuves originales ou réalisées du vivant de l'artiste ». Si l'œuvre du photographe Kertész a déjà fait l'objet d'études approfondies (...

  • CHEFS-D'ŒUVRE PHOTOGRAPHIQUES DU MOMA. LA COLLECTION THOMAS WALTHER (exposition)

    • Écrit par Armelle CANITROT
    • 1 109 mots
    • 1 média
    ...Stella et Marcel Duchamp (Trois têtes, 1920), sa compatriote Berenice Abbott saisit l’élégance de James Joyce (1926). Avec la série iconique « Chez Mondrian » (1926), le Hongrois André Kertész brosse le portrait du peintre néerlandais par l’entremise des objets de son atelier parisien.
  • PARIS ÉCOLES DE

    • Écrit par Claire MAINGON
    • 2 622 mots
    • 1 média
    ...l'Ukrainienne Chana Orloff (1888-1968) ou le Lituanien Jacques Lipchitz (1891-1973). Les photographes, tels que l'Américain Man Ray (1890-1976) ou le Hongrois André Kertész (1894-1985), comptent également parmi les dignes représentants de cette école de Paris. Un nombre important d'entre eux étaient des juifs...

Voir aussi