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SAQUI LES (XVIIIe-XIXe s.)

En 1791, un Lalanne (d'une famille de bateleurs parisiens) qui tient l'emploi de premier danseur chez Nicolet sous le nom de Navarin le Fameux, présente sa fille Marguerite (1786-1866), alors âgée de cinq ans. Portée à bout de bras, elle se renverse en arrière pour saisir entre ses lèvres une pièce que son père tient entre ses dents. Peu après Lalanne se casse une jambe : il est congédié. Il prend alors la route et présente ses tours d'une ville à l'autre. À Nancy, il s'associe à une troupe d'artistes, dont le directeur Hommelon-Saqui est pharmacien ambulant. En 1802, Marguerite, mariée au fils du directeur, Pierre Saqui, est une funambule déjà célèbre, capable de concurrencer la Malaga. Elle travaille sur la corde à vingt mètres de hauteur au-dessus des jardins de Tivoli. Elle danse, saute des rubans et des cerceaux, joue du violon ; elle exécute surtout des scènes de gloire, entourée de pluies d'étincelles et de fusées. Le succès qu'elle recueille est si vif que, désormais, elle sera de tous les divertissements publics officiels. Sa carrière, brillante dès la Révolution, est à son apogée sous l'Empire. Elle reste prestigieuse sous la Restauration, s'assombrit sous Louis-Philippe et s'éternise lamentablement sous le second Empire. Âgée, en effet, de soixante-six ans, et durant dix années, « Madame Saqui » paraît sur les hippodromes en plein air, à la porte Dauphine et au quai de Bercy, déguisée en pèlerin, son visage de momie dissimulé sous une barbe postiche. À soixante-seize ans, elle exécute encore le pas de trois sur la corde ; mais on lui refuse l'autorisation de paraître à nouveau. Il ne lui reste alors que ses souvenirs : elle songe au temps où, pensionnée et privilégiée, elle portait le titre de « première acrobate de Sa Majesté Empereur et Roi » et suivait les bivouacs de la garde impériale pour plaire à Napoléon. Et à celui où elle dirigeait son théâtre de funambules. Elle meurt enfin, à quatre-vingts ans, dans la gêne, ayant engagé au mont-de-piété tout ce qu'elle possédait.

La famille Saqui est intéressante à plus d'un titre. Pierre (1786-1825), marié à Marguerite, réussit le premier à imposer des billets d'entrée aux consommateurs de son établissement, le café d'Apollon, où se produisait sa troupe d'artistes « d'agilité ». Rival direct du théâtre des Funambules, il introduit comme celui-ci dans son spectacle des intermèdes de pantomime : les artistes de son nouveau « Spectacle des acrobates » présentent avec le mutisme de rigueur (exigé par la tradition ou la censure) des facéties sous les costumes classiques de la comédie italienne (Arlequin, Polichinelle, Pierrot...) avec la liberté d'un répertoire encore à inventer. Bientôt, Michel Bertrand — directeur des Funambules — et Pierre Saqui, inquiets d'une concurrence qui les ruine, décident de s'associer pour exploiter en commun le talent et la notoriété des nouveaux artistes de spectacle : Deburau débutera chez eux. Les Laurent, les Chiarini surtout, sauteurs et voltigeurs italiens, se produiront sur les deux scènes : Félix Chiarini, mime de talent, épousera en 1820 sa cousine Constance Saqui qui donnera la réplique à son personnage de Pierrot lunaire... Étonnante famille du spectacle où les liens personnels tissent la trame ténue de la pantomime elle-même.

— Jean BAUDEZ

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Pour citer cet article

Jean BAUDEZ. SAQUI LES (XVIIIe-XIXe s.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MIME ET PANTOMIME

    • Écrit par Tristan RÉMY
    • 2 882 mots
    • 4 médias
    ...d'acrobaties par des pantomimes arlequinades, à condition qu'elles soient interprétées par les « artistes d'agilité » eux-mêmes. Le spectacle de Mme  Saqui, une danseuse de corde, obtint peu après la même permission. Les artistes d'agilité, n'ayant pas de répertoire où puiser, utilisèrent les scènes...

Voir aussi