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Un bar aux Folies-Bergère, É. Manet

Édouard Manet, Un bar aux Folies-Bergère. 1881-1882. Huile sur toile. 96 cm X 130 cm. Courtauld Institute Galleries, Londres.


Un bar aux Folies-Bergère est le dernier chef-d'œuvre peint par Manet, en 1881-1882. L'artiste devait mourir moins d'un an après l'avoir terminé. S'il l'a exécuté alors qu'il était déjà atteint par la maladie qui devait l'emporter, il ne l'a pas pour autant conçu comme un testament artistique. Son sujet, le bar d'un café-concert parisien alors très à la mode, lui a peut-être été inspiré par Dans un café, une toile de son ami Gustave Caillebotte exposée en 1880. On y retrouve un effet de miroir analogue. Depuis longtemps Manet représentait des lieux typiques de son époque et de la vie contemporaine, comme le Bal masqué à l'Opéra de 1872-1873. C'est en effet un des thèmes favoris de l'impressionnisme, le mouvement auquel il se rattache.
Manet a peint son tableau entièrement en atelier. Au premier plan, une magnifique nature morte, composée de bouteilles, de roses dans un vase et d'un compotier de mandarines. Il a utilisé pour certaines silhouettes des portraits au pastel plus anciens, qui permettent d'identifier deux de ses amies parmi les spectateurs, Méry Laurent et Jeanne Demarsy. La serveuse, Suzon, qui travaillait réellement aux Folies-Bergère, est venue poser dans l'atelier. Le peintre Gaston Latouche aurait fait de même pour l'homme à la moustache. Manet avait toutefois pris quelques croquis aux Folies-Bergère. Il en a tiré une esquisse, où l'on retrouve plusieurs éléments du tableau définitif : le miroir occupant complètement le fond de la composition, le décor avec les piliers, le lustre et l'éclairage artificiel, le reflet du client qui n'apparaît pas lui-même au premier plan.
Le fond de la composition est entièrement constitué par le reflet d'un miroir, dont on voit le cadre doré, rigoureusement parallèle au bar. Cela permet à Manet de montrer la salle, les spectateurs, et jusqu'aux jambes d'une trapéziste faisant son numéro, le tout baigné d'une lumière artificielle. Mais ce reflet est complètement imaginaire, il ne correspond pas à la réalité supposée du tableau : par exemple, le dos de Suzon, qui devrait être presque invisible, est montré comme si le miroir était posé de biais. De même, l'image de l'homme, dont le reflet laisse supposer une orientation différente du miroir : celui-ci devrait non pas être parallèle au bar, mais former un angle avec lui. C'est une réalité transposée que Manet a délibérément choisi de montrer.

Auteur : Barthélémy Jobert