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WARBURTON WILLIAM (1698-1779)

Ordonné prêtre de l'Église anglicane en 1727, vicaire pendant dix-huit ans de la paroisse de Brant-Broughton (Lincolnshire) près de Newark, où il naquit, Warburton s'est d'abord trouvé impliqué dans la controverse qui suivit la publication de La Dunciade, commencée en 1728, en raison des relations qu'il entretint avec M. Concaven et L. Theobald, que Pope n'avait guère ménagés. Dans les articles qu'il publia dans Les Œuvres des savants (The Works of the Learned) en 1738-1739, il prit la défense, contre l'Examen de J. P. de Crousaz, de l'Essai sur l'homme de Pope. Cela lui gagna l'amitié de ce dernier, qui lui fit connaître Ralph Allen, dont il épousa la nièce en 1745. Chapelain ordinaire du roi en 1754, nanti l'année suivante d'une des riches prébendes de Durham, Warburton obtint en 1759 l'évêché de Gloucester, où il mourut après un long déclin provoqué par une paralysie du cerveau.

Toutes ses œuvres, dont son ami Richard Hurd a donné en 1788 une édition (sept volumes), portent la marque des débats théologiques du xviiie siècle ; au premier chef, L'Alliance entre l'Église et l'État (The Alliance Between Church and State, 1736), qui mécontenta les deux partis, et La Doctrine de la grâce (The Doctrine of Grace, 1762) ouvrage dirigé contre le méthodisme, mais aussi La Mission divine de Moïse (The Divine Legation of Moses, 1737-1741, enrichi au cours des éditions successives), que A. A. Sykes, R. Pococke, R. Grey, C. Middleton et nombre de docteurs critiquèrent plus ou moins sévèrement.

Le retentissement de ce dernier ouvrage de polémique avec les déistes fut considérable. Il doit, en France, son succès à la traduction publiée en 1744 par Léonard des Malpeines d'une partie du second tome (livre IV, section 4) de l'édition de 1742 : l'Essai sur les hiéroglyphes des Égyptiens où l'on voit l'origine et le progrès du langage et de l'écriture. La réflexion sur les signes, sur les figures et les symboles, sur le rapport de la langue à l'écriture que Warburton y développe s'inscrit dans un courant de recherches fort ancien sur la signification des hiéroglyphes. Elle fait, en effet, référence à Porphyre, à Clément d'Alexandrie, à Horapollo surtout, dont le manuscrit (Hieroglyphica), retrouvé en Grèce vers 1420, donne à voir dans les hiéroglyphes la manifestation d'un allégorisme éternel. Mais elle ne se sépare pas de l'investigation qui, depuis le xviie siècle, a porté sur la valeur des caractères chinois. À ce double titre, elle se situe dans le prolongement des travaux du père A. Kircher, de J. Wilkins (l'inspirateur, avec An Essay Towards a Real Character, and a Philosophical Language, 1668, de Leibniz), de N. Fréret.

Si le premier, orientaliste d'une prodigieuse érudition, rénovateur des études coptes (Prodromus Coptus sive aegyptiacus, 1636), a renforcé ce que Madeleine V.-David (Le Débat sur les écritures et l'hiéroglyphe aux XVIIe et XVIIIe siècles, 1965) a appelé « le préjugé hiéroglyphiste » — c'est-à-dire la tendance à l'ésotérisme de la tradition allégorique, que les « jésuites de Canton » ont portée à son point culminant — la célébration du symbole n'est pas exclusive chez lui d'un intérêt pour le chiffre, capable de surmonter le rapport langue/écriture et d'être l'instrument d'une langue universelle. En témoigne sa Polygraphia nova et universalis et combinatoria arte delecta (1663), qui anticipe sur l'Essai de Wilkins et sur les recherches de Leibniz, dont on connaît les hésitations au sujet des écritures.

Il revient, certes, à N. Fréret d'avoir, dans ses Réflexions sur les principes généraux de l'art d'écrire et en particulier sur les fondements de l'écriture chinoise (1718), critiqué la[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-V-Sorbonne, secrétaire général de L'Année sociologique

Classification

Pour citer cet article

Bernard VALADE. WARBURTON WILLIAM (1698-1779) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉCRITURE

    • Écrit par Jean-Pierre BALPE, Anne-Marie CHRISTIN
    • 10 437 mots
    • 8 médias
    ...certaines des justifications que l'on apportait encore en Occident à l'aspect figuratif des hiéroglyphes. À l'origine, dit-il, reprenant les affirmations de Warburton un siècle plus tôt, les hiéroglyphes étaient « des imitations plus ou moins exactes d'objets existants dans la nature ». Le phonétisme de ces...

Voir aussi