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FONTANE THEODOR (1819-1898)

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Un réalisme poétique

Certains récits recréent d'abord l'atmosphère des ballades du jeune poète, empreintes de tragique et illustrant selon la bonne tradition des régions de la marche de Brandenbourg, des dictons populaires sur les destins inéluctables de héros bizarrement élus. Ainsi dans l'Ellernklipp (« La Roche des aulnes », 1881), histoire de Hilde, fille d'une femme étrange, moitié sorcière moitié paysanne, élevée par le rude et austère forestier Baltzer Bochold, dans la maison duquel elle n'apporte finalement que trouble et malheur. Grete Minde (1880) reprend une chronique du Moyen Âge, où, déjà, le refus obscur d'admettre la dualité du désir et de la réalité – problématique que l'on retrouvera souvent chez les personnages de Fontane – aboutira à un dénouement catastrophique provoqué par le caractère « démonique » de l'héroïne.

Par la suite, les romans de Fontane seront nourris de l'expérience de l'homme mûr qui a observé, sceptique et souriant, la vie de ses contemporains : tout en restant très proche du monde, il saura avec une remarquable distance, une liberté de perspectives et une constante humanité, décrire les « réalités de la vie ». Sans avoir élaboré de véritable théorie du roman, il représente ce qu'a de spécifique le « réalisme » allemand de la fin du xixe siècle. Cette spécificité est telle qu'il n'a guère atteint aux yeux de l'étranger l'exemplarité des autres grands romanciers européens. Le choix même de ses thèmes – adultères, mariages manqués, mésalliances –, le fait qu'il évite les grands sujets historiques, les controverses politiques de l'époque, l'ont fait taxer de provincialisme, alors que s'enracine là sa force particulière d'expression. Il est vrai que ce « causeur », comme on l'a défini, qui se propose seulement de « parler au cœur et à l'imagination », pour procurer à son lecteur quelques « belles heures » en lui laissant surtout le souvenir d'une « harmonie profonde », a semblé glisser dangereusement du côté de la littérature de divertissement, voire du roman feuilleton. Pourtant cette réalité de la fiction où se joue le plaisir de la lecture ne tombe jamais dans la banalité.

Le lecteur, pris sous le charme des descriptions de lieux et de personnages présentés dans leur vie de tous les jours, éprouve un malaise imprévu quand, peu à peu, se découvre à lui la profondeur des choses sous la grâce du texte et des impressions furtives. Il prend alors goût à cette promenade avec Fontane sur les crêtes séparant la vie de l'art, où l'auteur ne cède jamais au pathétique ni à la sentimentalité. C'est que, pour Fontane, à l'époque où le roman se veut miroir fidèle de la vie, le réalisme est un art de la sélection, nullement une analyse naturaliste. Toutefois la volonté de ne pas dire l'essentiel, de ne rien analyser ni expliciter, n'empêche nullement le romancier de laisser entrevoir – à travers un milieu certes réduit, celui d'une aristocratie prussienne si figée qu'elle est déjà comme sa propre caricature – toute une réalité historique et sociale qui en dit long sur l'état d'une certaine Prusse à un moment où, politiquement, elle semblait à son zénith. De son roman Vor dem Sturm (« Avant la tempête », 1878), encore tout imprégné d'un amour romantique pour la marche de Brandenbourg et pour des personnages à l'humanité idéalisée, où les actions menées sur fond de guerres napoléoniennes laissent un parfum de cape et d'épée, jusqu'à Der Stechlin (1899), sa grande œuvre de vieillesse – même milieu, même contexte – en passant par des récits plus courts, en apparence moins ambitieux, l'histoire a avancé et « s'il ne se passe plus grand-chose » dans le dernier[...]

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Pour citer cet article

Éliane KAUFHOLZ. FONTANE THEODOR (1819-1898) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • EFFI BRIEST, Theodor Fontane - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 003 mots

    Le cas de Theodor Fontane (1819-1898) est assurément remarquable. Poète connu pour ses ballades et pour les récits minutieux et distanciés de ses pérégrinations dans le Brandebourg, journaliste, critique de théâtre, il n'aurait guère été considéré que comme un des auteurs mineurs du ...