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SPASMOPHILIE (histoire du concept)

La spasmophilie, décrite essentiellement par les auteurs français (Klotz), est un syndrome clinique fait de crises soit majeures (attaques de tétanie) soit mineures (palpitations, malaises, pertes de connaissance plus ou moins complètes, douleurs épigastriques, crampes musculaires à l'effort), le tout atteignant trois femmes pour un homme et se développant le plus souvent dans un climat de tension nerveuse et d'anxiété.

Cette symptomatologie, polymorphe et variable selon les périodes de l'existence, est très invalidante pour le malade qui va d'un spécialiste à l'autre sans que ceux-ci puissent trouver une explication organique aux troubles présentés. Limitée à la France, non reconnue par les littératures médicales étrangères, fortement attaquée en France même, la notion de spasmophilie a eu néanmoins tant d'impact auprès du public et des médecins qu'il ne paraît pas inutile de faire le point sur ce syndrome.

Ce syndrome a été attribué à un état d'hyperexcitabilité nerveuse, objectivable par des modifications électromyographiques (doublets ou multiplets) et un signe particulier, le signe de Chvostek, caractérisé par une contractilité anormale de l'orbiculaire des lèvres lors de la percussion de la joue. On a voulu lui trouver une base biologique, tendance hypocalcémiante ou manque de magnésium pour en tirer une thérapeutique à base de calcium et de dérivés de la vitamine D.

En réalité, toute cette description est fragile :

– les crises de tétanie sont précédées d'une hyperventilation d'origine émotive (soif d'air) et base d'une alcalose, cause classique de tétanie ; elles sont toujours précédées d'une émotion, même minime ;

– le signe de Chvostek n'a rien de constant et surtout se voit fréquemment en dehors de la maladie ; il en est de même pour les modifications de l'électromyogramme, celui-ci étant positif dans 30 ou 40 p. 100 des populations témoins ;

– l'hypocalcémie est minime, située aux environs de 80 milligrammes par litre (ou 2,1 mmol/l) de calcium plasmatique ; elle ne se produit que pendant les crises ; des hypocalcémies de cette importance peuvent se voir en cas de carence vitaminique D et ne s'accompagnent d'aucun symptôme de spasmophilie ; dans le cadre des hypoparathyroïdies, il est fréquent d'observer des calcémies beaucoup plus basses, la tétanie ne se déclenchant que pour des chiffres de l'ordre de 50 à 60 mg/l, jamais atteints dans la spasmophilie ;

– le magnésium plasmatique et même érythrocytaire est le plus souvent normal.

Il semble par contre que ce soit aux confins de la pathologie psychiatrique qu'il faille placer les manifestations de spasmophilie dont la réalité est indéniable et la fréquence extrême. Certains font remarquer que ces malades présentent des traits hystériques (égocentrisme, histrionisme, labilité émotionnelle, suggestibilité, dépendance affective, pauvreté des sentiments) et rapprochent les manifestations de la maladie des troubles somatomorphes des hystériques, mais c'est certainement la description des « attaques de panique » qui se rapproche le plus de la spasmophilie ; pendant les attaques, en effet, on observe les signes suivants : dyspnée, palpitations, gêne thoracique, sensation d'étouffement ou d'étranglement, vertiges, paresthésies des extrémités, tremblement, impression d'évanouissement. Une telle symptomatologie est absolument calquée sur la description de la spasmophilie. Or il s'agit d'une forme d'anxiété, reproductible par l'hyperventilation.

Exagérées par l'isoprotérénol, curables par les bêtabloquants, les attaques de panique ont été attribuées à une dysfonction du locus coeruleus, zone cérébrale contenant 50 p. 100 des neurones adrénergiques du système nerveux central[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de médecine de Marseille, médecin chef des hôpitaux, membre correspondant de l'Académie de médecine

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Pour citer cet article

Roland SIMONIN. SPASMOPHILIE (histoire du concept) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 27/02/2020