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SHEN CONGWEN (1902-1988)

Après avoir été l'une des figures majeures de la littérature du 4-Mai, Shen Congwen (1902-1988) a souffert d'un long ostracisme en république populaire de Chine, et même à Taiwan. La redécouverte enthousiaste dont son œuvre a fait l'objet au cours des années 1980 marque la reconnaissance d'une esthétique indifférente aux sollicitations politiques, et ouverte aux plus hautes préoccupations métaphysiques.

Le petit soldat du Hunan

Shen Congwen, de son vrai nom Shen Yuehuan, est né le 28 décembre 1902 à Fenghuang, dans une région montagneuse, pauvre et reculée, de la province du Hunan, connue sous le nom de Xiangxi (Hunan Ouest), et peuplée en grande partie de minorités ethniques, essentiellement Miao et Tujia. Doté lui-même d'origines Miao par sa grand-mère paternelle et Tujia par sa mère, il prendra constamment, contre la majorité Han, le parti des minorités au mode de vie libre et sain. Son grand-père et son père s'étaient tous deux illustrés dans le métier des armes. Il devient à son tour soldat, à l'âge de treize ans, après une enfance buissonnière qu'il relate dans une autobiographie haute en couleur, Congwen zizhuan (1934, L'Autobiographie de Congwen). Ce récit des vingt premières années de sa vie est aussi une manière de glose sur son prénom d'écrivain : attiré dans la capitale par l'effervescence du mouvement du 4 mai 1919 qui tentait de promouvoir une littérature plus ouverte et accessible, l'ancien soldat abandonne les armes pour « suivre la carrière des lettres » (cong wen).

Il commence à publier régulièrement à partir de 1925. Parallèlement, bien que sa culture soit celle d'un autodidacte, il bénéficie de recommandations qui lui permettent d'entamer une carrière à l'Université : il enseignera successivement à Shanghai, Wuhan, Qingdao, puis, pendant la guerre de résistance contre le Japon, à Kunming, et enfin, de 1946 à 1949, à l'université de Pékin. À ces deux activités d'écrivain et d'enseignant s'ajoutera celle de rédacteur dans plusieurs revues littéraires, notamment le supplément « Lettres et arts » du Dagongbao (L'Impartial), basé à Tianjin, qu'il dirige de 1933 à 1935. Le cercle de ses connaissances – où figure la romancière de gauche Ding Ling – compte surtout des écrivains de tendance « libérale », classés à droite par la critique communiste, tels que Xu Zhimo ou Hu Shi.

Dans les années 1930, Shen Congwen va devenir la figure dominante d'un groupe d'intellectuels indépendants, proches des lettrés traditionnels par certaines de leurs conceptions esthétiques, auxquels on donnera le nom de jingpai (école de Pékin) : on y range le philosophe et esthéticien Zhu Guangqian, les écrivains Xiao Qian, Lin Huiyin, Ling Shuhua, Fei Ming, et parfois Zhou Zuoren.

Son refus persistant de s'engager aux côtés de la Ligue des écrivains de gauche, et son hostilité à Tchiang Kai-chek, à qui il reproche son autoritarisme et sa politique oppressive à l'égard des régions de l'intérieur, font de Shen Congwen la cible d'attaques venant des deux bords : censuré par le Guomindang (son roman inachevé Changhe [Longue Rivière], écrit de 1939 à 1942, en porte les traces), il est soumis, de la part des communistes, à une pression croissante qui culmine au moment de l'installation du nouveau régime. Il renonce alors à peu près totalement à l'écriture, ne produisant plus que quelques textes documentaires sur Pékin ou sur sa région natale. Oublié en tant qu'écrivain, sur le continent comme à Taiwan, il entame une seconde carrière : d'abord engagé comme guide au Musée national d'histoire, il devient un spécialiste de la culture matérielle chinoise, écrivant des études sur les laques, les miroirs, et surtout de remarquables Recherches sur le costume chinois[...]

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Écrit par

  • : professeure émérite à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)

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Pour citer cet article

Isabelle RABUT. SHEN CONGWEN (1902-1988) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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