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MBAYE CAMARA SERIGNE (1948- )

Né en 1948 à Saint-Louis (Sénégal), Serigne Mbaye Camara est un ancien élève de l'école des Beaux-Arts de Dakar, où il enseigne. La singularité de sa démarche tient à ce que ses œuvres puisent à la fois dans les racines profondes d'une Afrique complexe, colorée et multiple et dans le dépassement de cette culture. Mbaye Camara n'est pas un continuateur de l'art traditionnel africain qui a si souvent inspiré les grands mouvements du xxe siècle, que ce soit le cubisme ou le surréalisme. En fait, ses références sont bien différentes, elles sont prises dans l'histoire de la peinture contemporaine, celle des abstractions, qu'elles soient d'origines américaines ou européennes. Et c'est en tant qu'artiste, et non en tant qu'Africain ou Sénégalais, qu'il veut être appréhendé, même si ses œuvres reflètent la réalité africaine.

Les deux techniques qu'il utilise de préférence sont le collage et l'assemblage de fer. Une œuvre de 1990 intitulée Comportement annonce déjà le travail sur la trace et les stries des futurs papiers collés, alors que la technique utilisée est encore l'huile sur toile. La même année voit apparaître les premiers collages sur un support traditionnel de toile, mais les figures humaines découpées semblant errer au milieu des lignes n'ont pas encore fait leur apparition. C'est avec la série de quinze collages (I à XV) intitulés Attitude (1992), présentés à Paris à la galerie Le Monde de l'art puis à Copenhague au Rundetarn en 1993, que la composition – fondée sur des orthogonales et des papiers découpés formant des stries obliques ou parallèles – superpose, en motifs répétitifs, bandes et silhouettes de personnages dans des gammes chromatiques limitées à un ou deux tons.

Une grande sérénité émane de ces travaux pourtant fortement rythmés que l'on peut rapprocher des « tressages » de François Rouan. Mais l'utilisation de matériaux autres que le papier, la toile, l'huile ou l'acrylique, le recours à d'autres techniques, comme celle du fer, le ramènent peut-être à des préoccupations personnelles nouvelles : « Dans mes assemblages utilisant le fer, il est d'abord question de comportement, de réaction face au matériau pour ses caractéristiques, avant de penser aux contraintes d'ordre plastique. » Ces pièces intitulées Vies unifiées (1992), « tableaux de fer » puisque accrochés au mur comme les toiles, manifestent une énergie résolue et une originalité sans doute encore plus appuyée. Leur ossature carrée enfermant des plaques tachées et couvertes de rouille est brisée par le petit personnage devenu emblématique de son travail et occupant encore une place prépondérante. Dans les années 1990, sur le thème des déchirures, il réalise des sculptures faites de l'assemblage de matériaux perdus, telles Solitude ou Étreinte (1993), et issues de la réflexion qu'il mène depuis qu'il utilise le fer dont il traite désormais la surface en lui donnant un aspect huileux de couleur brune ou noire. Ces pièces dépassent les simples jeux de découpage, échappent à la régularité du carré au moyen de fils de fer et de nœuds tendus en tous sens et font toujours apparaître systématiquement le personnage isolé et perdu qui symbolise aux yeux de Camara l'homme africain de la fin du xxe siècle. Ces assemblages de volumes – ou ces volumes assemblés – travaillés à partir de fer et de cuir récupérés, nous renvoient l'image d'une réalité africaine confrontée aujourd'hui à la décomposition et à la recomposition d'un continent.

— Philippe BOUCHET

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Philippe BOUCHET. MBAYE CAMARA SERIGNE (1948- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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