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WEÖRES SÁNDOR (1913-1989)

Une poésie cosmique

Dès lors, le poète aura pour tâche la quête de l'évidence et la poésie deviendra le texte transparent, à la fois réel et surréel, le lieu où communiquent l'apparence et l'essence. Pour que le surréel – Weöres dirait le vrai réel – puisse manifester sa présence à travers la réalité, il utilise plusieurs procédés. Tantôt il décrit minutieusement les métamorphoses de la matière afin de rendre sensible l'ordre cosmique au-delà du tourbillonnement des atomes, tantôt il procède par ellipse et n'insiste que sur ce qui n'est plus et ce qui n'est pas encore : l'absence marque le lieu de l'être ; l'être, le réel authentique se trouve entre le passé et l'avenir, entre le corps et son ombre. La parole poétique épouse les mouvements les plus divers, depuis les vibrations subtiles de l'âme jusqu'aux grandes catastrophes historiques et cosmiques ; en les nommant, elle les épuise, elle en dénonce le caractère dialectique et en soi inachevé : elle permet de les dépasser vers l'évidence. Ainsi, contrairement à ce que certains critiques ont prétendu, la poésie de Weöres, loin d'être inhumaine, s'achève, au milieu des grandes époques de crise, sur une leçon de confiance.

L'univers poétique de Weöres n'est pas – il n'est peut-être pas inutile de le souligner – un univers mystique : la recherche du vrai réel n'implique pas un refus du réel apparent, elle sublime plutôt celui-ci et lui assigne son lieu dans un ensemble plus vaste ; elle ne s'apparente pas non plus à la quête acharnée de l'absolu, telle que celle-ci se manifeste par exemple dans la poésie de Mallarmé ou de Yves Bonnefoy, parce que Weöres réserve un amour et une attention particulière au monde dit des apparences. En définitive, il s'agit bien plutôt, dans cet univers poétique, d'une synthèse entre une sagesse ancienne et une vision moderne.

La poésie hongroise a été, depuis toujours, une poésie réaliste et militante. En plaçant les choses dans une perspective plus vaste, la poésie de Weöres rehausse et transcende ce réalisme conventionnel et donne une direction nouvelle à la poésie de son pays – traditionnellement indifférente aux valeurs abstraites et philosophiques. Weöres est considéré comme le plus grand poète hongrois moderne. Qu'il s'agisse de ses visions ou de sa philosophie, les meilleurs poètes des générations suivantes (Juhász, Tandori) ont été marqués par lui.

— Aron KIBEDI VARGA

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Écrit par

  • : docteur de l'université de Leyde (lettres), professeur titulaire de littérature française moderne à l'université libre d'Amsterdam

Classification

Pour citer cet article

Aron KIBEDI VARGA. WEÖRES SÁNDOR (1913-1989) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HONGRIE

    • Écrit par Jean BÉRENGER, Lorant CZIGANY, Universalis, Albert GYERGYAI, Pierre KENDE, Edith LHOMEL, Marie-Claude MAUREL, Fridrun RINNER
    • 32 134 mots
    • 19 médias
    ...l'élémentaire et du quotidien. Les poèmes d'Ágnes Nemes Nagy (1922-1991) dépassent le carcan politique et s'opposent clairement à la théorie romantique, tandis que Sándor Weöres (1913-1989), soucieux d'une recherche de musicalité, est un poète à l'imagination fertile, doté d'une force d'invention poétique...

Voir aussi