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TROCKEL ROSEMARIE (1952- )

Rosemarie Trockel est à ce jour l'artiste allemande femme la plus reconnue. Pourtant, lorsqu'elle reprend en 1974 des études artistiques après une formation d'institutrice, elle n'accède qu'à une école d'arts appliqués. Agoraphobe, la jeune femme ne quitte guère son atelier et passe de longues heures à pratiquer le dessin, son médium de prédilection. Mais il n'est pas pour autant facile de reconnaître les œuvres de Rosemarie Trockel. Peinture, sculpture, tricot, photographie, films, installations, – elle s'adonne à toutes les pratiques et joue de styles et d'approches parfois radicalement différentes. Une constante toutefois se détache : son analyse parfois brutale de la nature patriarcale et coercitive de la culture. Mêlant le féminin au féminisme, Trockel se passionne pour la figure et le processus de la métamorphose et de la mutation. Goûtant peu à la métaphore, l'artiste se caractérise par des répliques sans ambages, sans pour autant verser dans le didactisme, et se plaît à flirter avec un certain mystère.

Née en 1952 à Schwerte (Allemagne), Rosemarie Trockel se fait connaître avec ses Wool works au milieu des années 1980 : elle réalise par l'intermédiaire d'une machine à tricoter électronique des motifs comme le lapin Play Boy, une faucille et un marteau, le logo international de la laine. Trockel renoue ici avec une tradition alémanique qui voyait des hommes tricoter des tableaux aux xviie et xviiie siècles, et égratigne discriminations sexistes et préjugés. Avec la même technique, elle conçoit également des « tableaux » simplement annotés comme le Cogito ergo sum de Descartes écrit à la main sur un tricot beige de grande taille. « Dans les années 1970, beaucoup d'expositions collectives de femmes prenaient pour problématiques la maison, le foyer. J'ai pris la laine qui était considérée comme un matériau de femme, je l'ai sorti de son contexte et retravaillé avec un processus de production neutre. Cette simple expérimentation est devenue ma marque de fabrication, ce qui n'était pas du tout mon souhait. » Dans les années 1990, la figure de Brigitte Bardot l'obsède et vient occuper dessins, peintures et sculptures. « Lorsqu'on est jeune, on pense être un activiste politique. Cela pose la question de savoir si vous voulez vraiment faire quelque chose pour les autres ou si cela démontre un certain sens de l'auto-admiration. Lorsque j'ai commencé à travailler sur Brigitte Bardot, cette discussion est réapparue. Elle est une figure tellement controversée et est en même temps une „mère courage“. Il est intéressant de constater qu'elle est un modèle pour tout. Et pourtant, elle déconstruit toujours son propre rôle. » Elle réalise alors un phoque (rappel du combat de Bardot) portant un collier de cheveux blond platine. Au début des années 1990, elle superpose aussi le visage de la pin-up avec des intellectuels comme Bertolt Brecht. Avec la série des Hydrocephalus (au début des années 1980), elle se penche sur les canons de la beauté et la définition de la monstruosité, de l'imaginaire et du fantasme. La figure du singe, qui jalonne ces différents travaux, se substitue peu à peu au portrait de l'artiste jusqu'à devenir son autoportrait. Des réflexions sur l'animalisation de l'homme et sur l'humanisation de l'animal se trouvent au cœur de ses recherches, à partir de 1996, lorsqu'elle fonde avec Carsten Höller le Laboratoire d'anthropologie expérimentale. Elle met des spectateurs sous l'observation de poulets, conçoit une maison des cochons (1997), des rats ou des pigeons (Prunelle, 1999), imagine un bus à visiter rempli de moustiques (1996). La coexistence est depuis lors devenue un sujet fondamental de son art. Celle qui dit avoir manqué de modèles féminins artistiques[...]

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Écrit par

  • : critique d'art, historienne de l'art spécialisée en art écologique américain

Classification

Pour citer cet article

Bénédicte RAMADE. TROCKEL ROSEMARIE (1952- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HÖLLER CARSTEN (1961- )

    • Écrit par Bénédicte RAMADE
    • 695 mots

    Pour Carsten Höller, né à Bruxelles en 1961 mais résidant à Stockholm, la trajectoire d'artiste n'était pas toute tracée d'avance. Docteur en entomologie, il s'était d'abord spécialisé en phytopathologie. Mais au début des années 1990, c'est dans le domaine artistique qu'il élabore son champ de pratique,...

Voir aussi