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HÖLLER CARSTEN (1961- )

Pour Carsten Höller, né à Bruxelles en 1961 mais résidant à Stockholm, la trajectoire d'artiste n'était pas toute tracée d'avance. Docteur en entomologie, il s'était d'abord spécialisé en phytopathologie. Mais au début des années 1990, c'est dans le domaine artistique qu'il élabore son champ de pratique, entre laboratoire d'expérimentation et terrain de jeu. Relationnelles, réactives, ses installations et ses objets sollicitent souvent le spectateur, même s'ils conservent aux yeux de leur créateur, toutes leurs qualités artistiques en cas d'inactivation. Après s'être intéressé tout d'abord au monde de l'enfance en créant de cyniques pièges à bébé (1990-1993), Höller abandonne définitivement son activité de scientifique en 1994. Il sculpte des animaux, les met en scène en créant notamment avec Rosemarie Trockel une maison avec des cochons vivants (1997). Puis, dans les années 2000, il se sert directement de ses spectateurs, en en faisant des cobayes consentants. La science est de nouveau mise en exergue sans que jamais les expositions tournent à la simple application de concepts prédéfinis.

L'artiste a su trouver le juste équilibre entre la mise en place d'une expérience aux fondements scientifiques « sérieux » et un questionnement permanent du champ esthétique en recourant à l'imaginaire du Lunapark. En 2000, il réalise Light wall, soit 3 552 ampoules de 25 watts alignées sur dix-neuf mètres et clignotant sur une fréquence de 7,8 hertz. L'intensité lumineuse contraint alors le spectateur à fermer les yeux et à visualiser sur un autre plan cognitif. La chaleur vient se combiner à l'épreuve physique pour accompagner une perception globale quasi hallucinogène. C'est bien dans l'exercice de stimuli qu'excellent ses propositions plastiques, dans une ambiance toujours proche du spectacle. Élargir la perception, voilà ce que recherche l'artiste. Héritier d'un Brian Gysin et de sa Dream Machine brevetée en 1961, Höller cultive la perplexité : « le doute est merveilleux », aime-t-il répéter, « ma grande mission est de trouver la beauté dans le doute ».

L'instabilité du statut de ses œuvres participe d'ailleurs de sa culture de la désorientation. Dans Upside-down Mushroom Room (2000), le spectateur se retrouvait dans une salle peuplée d'amanites phalloïdes géantes dont le chapeau, mesurant entre 65 centimètres et 3 mètres, tournait à des vitesses différentes. Il faut ajouter à cet effet cinétique hypnotique que l'espace était inversé, tous les faux champignons étant accrochés au plafond, la tête en bas. Passé la surprise de la première découverte, la sensation de dysfonctionnement devenait rapidement prégnante et entêtante. Tester la capacité d'adaptation du cerveau, le pousser dans ses retranchements pour dépasser une perception préétablie ; qu'il s'agisse d'un manège, d'un appareil de simulation de vol en planeur ou même d'un toboggan géant, le but est invariablement identique. Il s'agit pour Höller de « faire réagir les gens ». Le toboggan géant qu'il a disposé en 2006 dans le grand hall de la Tate Modern de Londres a souvent été vu uniquement sous le seul angle du divertissement. Mais il s'agit bien là de la combinaison d'un mode de transport ultrarapide et écologique avec un mode de raisonnement qui se voit déporter hors de lui-même : « Je pense qu'un toboggan peut changer notre perception de l'espace et de la vitesse. La structure de notre cerveau est atteinte par les effets du vertige et ce qui nous semble organisé peut ainsi se réorganiser différemment et nous permettre une nouvelle appréhension. »

Au croisement de l’art et de l'expérimentation scientifique, l’installationSoma (2010) présentée au Hamburger[...]

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Écrit par

  • : critique d'art, historienne de l'art spécialisée en art écologique américain

Classification

Pour citer cet article

Bénédicte RAMADE. HÖLLER CARSTEN (1961- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • TROCKEL ROSEMARIE (1952- )

    • Écrit par Bénédicte RAMADE
    • 708 mots

    Rosemarie Trockel est à ce jour l'artiste allemande femme la plus reconnue. Pourtant, lorsqu'elle reprend en 1974 des études artistiques après une formation d'institutrice, elle n'accède qu'à une école d'arts appliqués. Agoraphobe, la jeune femme ne quitte guère son atelier et passe de longues heures...