Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

HEINLEIN ROBERT (1907-1988)

Robert Heinlein est né à Butler (Missouri) d'une famille immigrée depuis le xviiie siècle. Diplômé de l'Académie navale d'Annapolis (1929), il servit dans la marine de guerre ; en 1934, la tuberculose l'obligea à quitter le service actif. Ce fut une crise très dure, qui mit sa vie en péril et dont il sortit d'autant plus lentement que l'économie en pleine dépression ne lui offrait pas de débouché stable. Sa carrière littéraire, commencée tardivement (1939), fut sa chance : il eut tout de suite du succès.

Heinlein est un écrivain méthodique : sachant que Sinclair Lewis avait accumulé fiches et tableaux pour donner plus de réalité à la ville fictive de Zenith, il suivit la même démarche dans son Histoire du futur (1939-1949). Il obtint ainsi un puissant effet de réel, paradoxalement proche du naturalisme de son modèle, et qui lui valut la fidélité de ses lecteurs. Ce cadre rigide ne le gênait pas ; il lui permettait au contraire d'introduire les explications (essentielles en science-fiction) avec un maximum de naturel, en évitant les lourdeurs traditionnelles du genre.

Heinlein se défendait de prophétiser. Pourtant sa vision du futur allait pratiquement devenir le credo de la science-fiction classique. On peut la résumer en quatre étapes : 1o une accélération du développement technologique, combinée avec un phénomène de dégradation culturelle (L'Homme qui vendit la Lune) ; 2o un ensemble de conflagrations amenant l'interruption des voyages interplanétaires, le retour au système économique du xixe siècle et une dictature religieuse qui perfectionne le contrôle psychologique des masses (Les Vertes Collines de la Terre) ; 3o le rétablissement des libertés, la mise en œuvre d'une régulation sociale fondée sur l'épistémologie et la sémantique, la reprise des voyages spatiaux (Révolte en 2100) ; 4o à plus long terme, une ouverture vers la longévité (Les Enfants de Mathusalem) et le voyage interstellaire (Les Orphelins du ciel), deux thèmes dont la conjonction suggère une perspective de voyages indéfinis : le rêve de tout marin tuberculeux.

L'auteur explora d'abord (1939-1941) les-phases 1, 3 et 4 — les plus optimistes. Les Vertes Collines de la Terre fut écrit pour l'essentiel en 1947-1949, mais le plan en avait été publié en 1941. Bien avant Hiroshima, Heinlein estimait que la science peut améliorer la condition humaine, mais qu'elle ne peut pas résoudre tous les problèmes. Sur ces deux points (on oublie trop souvent le second), il résume l'idéologie de la science-fiction classique.

On saisit encore mieux les nuances de son propos dans d'autres récits, extérieurs à l'Histoire du futur : les portes entre les univers laissent voir — comme les tremblements de terre — qu'à l'occasion le monde ne tourne pas rond, les voyages temporels montrent que la vie n'est linéaire qu'en apparence, les doubles et les jumeaux attestent la fragilité de l'identité. Même la réalité peut être manipulée : ce thème pré-dickien apparaît en 1941 dans « Les Autres » (in Le Livre d'or de Robert Heinlein). La trame prudente de l'Histoire du futur vise ainsi à désamorcer une angoisse qui est plus sincèrement exprimée ailleurs.

La bombe d'Hiroshima marque pour la-science-fiction l'heure des remises en question et pour Heinlein, au contraire, l'heure du grand succès : il devient un sujet d'étonnement pour ceux qui avaient mal évalué sa complexité. Il écrit des nouvelles pour la grande presse et des romans pour la jeunesse qui touchent un très vaste public, collabore au premier film de science-fiction produit par Hollywood (Destination Lune, 1950) ainsi qu'à l'une des premières séries télévisées de science-fiction (Tom Corbett, Space Cadet, 1950). Son influence est immense : les jeunes[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jacques GOIMARD. HEINLEIN ROBERT (1907-1988) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Voir aussi