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GUIETTE ROBERT (1895-1976)

En Robert Guiette se trouvent réunies les contradictions qui permettent de définir une figure tout à fait représentative du génie de la Belgique. Flamand, il a fait métier de romaniste, et œuvre de poète de langue française. Si, en 1954, il a été élu membre de l'Académie royale belge de langue et de littérature françaises, c'est au titre de philologue. Mais ce choix rendait aussi hommage au poète, et ce poète est l'un des meilleurs de la seconde vague du magnifique lyrisme belge moderne, la première ayant été le symbolisme.

Né à Anvers, Robert Guiette est resté fidèle à sa vieille et vaste demeure parentale et ne l'a quittée que pour les dernières années de sa vie. Sa vocation de médiéviste s'est confirmée lors de ses études, à Paris, aux cours de Joseph Bédier et d'Abel Lefranc. En 1927 il est reçu docteur par l'université de Louvain, avec une thèse sur la légende de la Sacristine. En 1930, à l'université de Gand, il obtient la chaire de littérature laissée libre par le départ de Fernand Séverin. Parmi ses travaux portant sur des textes français et néerlandais du Moyen Âge, il convient de signaler particulièrement ceux par lesquels il a révisé, traduit, commenté divers contes et légendes : Béatrix, Lancelot de Danemark, Grisélidis, etc. Il s'est également intéressé aux marionnettes, art qui, en Flandre, a produit véritable école. Tout cela amène à rapprocher Guiette de son grand compatriote anversois Max Elskamp, auquel il a consacré un livre (1950). On observera chez la plupart des poètes et des artistes du renouveau belge cette même tendance à se tourner vers un Moyen Âge flamand teinté de légendaire et d'imaginaire et à faire de leur province une solitude peuplée d'envoûtants et secrets prestiges. Mais Guiette ne s'est pas confiné dans le passé médiéval : sa curiosité d'écrivain moderne l'a porté aussi à étudier l'art d'écrivains de son temps (Apollinaire, Claudel), ou des problèmes d'esthétique générale comme ceux du poème en prose, du surréalisme, de la traduction.

L'œuvre poétique de Guiette compte d'abord quelques ouvrages illustrés par André Lhote, James Ensor, Edgard Tytgat. Guiette s'est intéressé aux nouveautés plastiques du temps, et des rapprochements sont à faire entre certains aspects de sa poésie et les procédés tranchants et anguleux du cubisme. C'est de 1933, avec la publication de Peau neuve, aux Cahiers du Sud, à Marseille, qu'on date son entrée dans la carrière de la poésie. On retrouve cette plaquette dans le recueil Poésie (1922-1967), publié en 1968 ainsi que d'autres recueils et poèmes, dont Mort du fantôme, chef-d'œuvre de concentration expressive, qui rapporte l'incarnation de l'être en vue de son destin terrestre à la suite de sa coulée dans la matière primordiale. Il paraîtra insolite dans l'œuvre de Guiette par sa longueur et sa continuité – à vrai dire toutes relatives. Mais c'est que, déjà, l'art de Guiette tend au laconisme. Maints titres de ses recueils affirment cette inclination : Feuilles d'almanach, Souvenirs, Rencontres. Et dans les poèmes ordinairement brefs qui les composent se marquent deux intentions : l'une, de produire des instantanés, des déflagrations mentales ou sensorielles ; l'autre, de faire de ces moments les jalons d'une chronologie, d'une biographie, mais sans indice révélateur, sans référence aux contingences de cette biographie. C'est que son œuvre se veut un journal, oui, mais un journal poétique ou, si l'on veut, philosophique, absolument dépouillé. Énergique et saisissant dans ses images, sans doute, mais celles-ci, du même coup, donnent une impression de réduction et d'abstraction. Il faut voir en Guiette un spirituel, tout comme on le fait pour Elskamp ou pour cette autre âme rare et secrète, [...]

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Jean CASSOU. GUIETTE ROBERT (1895-1976) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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