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GUÉRIN RAYMOND (1905-1955)

C'est au début des années 1980 qu'on redécouvre Raymond Guérin, tombé dans l'oubli depuis sa mort, en 1955. Les éditions Le Tout sur le tout, la revue Grandes Largeurs, Gallimard s'y emploient plus particulièrement.

La vie de Guérin n'a rien d'exceptionnel. À la fin des années 1920, il fonde La Revue libre, noue des amitiés littéraires avec J. Grenier, J. Paulhan, H. Miller, Malaparte. Sa place d'agent d'assurances à Bordeaux le met à l'abri du besoin, il se marie plusieurs fois... Mais cette vie banale fournit la matière de romans autobiographiques qui comptent parmi les plus importants de son époque. Ses années de formation, il les raconte dans L'Apprenti (1946) : « M. Hermès » y fait l'apprentissage de la vie dans les coulisses des grands hôtels où il est plongeur, camériste, etc. À travers Parmi tant d'autres feux... (1949), roman partiellement épistolaire où l'érotisme tient une large part, on suit l'éducation sentimentale d'un jeune homme d'entre les deux guerres. Dans Quand vient la fin (1941 puis 1945), Guérin réalise la prouesse de s'abstraire entièrement de son sujet : l'ascension sociale et la déchéance physique de son père ; mais il brosse le tableau d'une vie familiale rapportée aux seules ambitions d'un père qui s'identifie à sa fonction de maître d'hôtel. Entre 1940 et 1944, il fait l'expérience des camps de réfractaires et en rapporte le troisième volume (après L'Apprenti et Parmi tant d'autres feux...) de son Ébauche d'une mythologie de la réalité : les huit cents pages de Les Poulpes (1953) analysent de façon désespérante, hallucinée dans son réalisme même, l'univers concentrationnaire, absurde et dégradant où on a plongé « le Grand Dab ». Ses rancœurs de romancier insuffisamment reconnu, il les exprime par exemple dans Un romancier dit son nom (1948) ou encore dans son Fragment testamentaire (1950). Il publie au même moment deux « mythes » philosophiques : La Confession de Diogène, rédigé en 1939 et 1945 (publié en 1947) et Empédocle, écrit en 1938 (publié en 1950). L'œuvre de Guérin est habitée par un pessimisme amer. Obsédé par la veulerie d'une société (« le Minotaure ») qui écrase les individus, il est aussi fasciné par le corps, physique et social aussi bien, qui prolifère puis se défait. Guérin développe avec une obstination et une dérision pathétiques les thèmes de la faillite, de la nausée, de la maladie physique et morale : celle de son épouse (Zobain, 1936), celle de son père, ou la sienne propre (Le Pus de la plaie, 1948), où il décrit l'évolution de la pleurésie purulente qui devait l'emporter. Mais les accents réalistes, naturalistes ou populistes, dont il se défend, sont mis au service d'une quête éperdue de l'idéal et de la lumière qui marquerait le bout de la nuit.

— Michel P. SCHMITT

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Pour citer cet article

Michel P. SCHMITT. GUÉRIN RAYMOND (1905-1955) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • L'APPRENTI, Raymond Guérin - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 991 mots

    Écrit par Raymond Guérin (1905-1955) durant sa captivité dans un stalag, L'Apprenti fut publié au lendemain de la guerre. Cette fiction inaugure un vaste cycle romanesque, initialement prévu en cinq volumes, mais dont l'auteur, disparu prématurément, ne put mener à bien que les trois premiers...

Voir aussi