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REBEYROLLE PAUL (1926-2005)

Célébré en 1995 par la construction d'un espace portant son nom, dans sa ville natale d'Eymoutiers, près de Limoges, Paul Rebeyrolle, né le 3 novembre 1926, s'est éteint le 7 février 2005 à Boudreville, en Bourgogne. Peintre et sculpteur, il laisse une œuvre figurative violente et engagée, d'une rare puissance d'expression.

Après une enfance passée à la campagne, où ses parents étaient instituteurs, et des études secondaires à Limoges, le jeune Rebeyrolle monte à Paris en octobre 1944, le bac philo en poche, par « le premier train de la Libération », avec la ferme intention de « devenir peintre ». Si, au Louvre, il a le grand choc, et si sa soif d'indépendance lui fait préférer à tout enseignement l'exemple des grands maîtres – les Vénitiens, Rubens, Rembrandt, Goya, Courbet –, il ne cesse de fréquenter galeries et salons d'art contemporain, et ne cache pas son admiration pour Soutine, ni pour Picasso, et l'extrême liberté de leur art.

Quoique animé par une passion absolue pour la nature, Rebeyrolle se fixe à Paris. Les années 1950 sont celles de l'affirmation d'une forte identité, qui lui vaut le prix de la Jeune Peinture, et dont témoignent ses premières expositions personnelles. Partagé entre une tendance abstraite et une peinture politiquement engagée, Rebeyrolle trouve peu à peu un style propre. La nature, la société et l'homme y sont les prétextes récurrents d'une œuvre qui se caractérise par un matiérisme appuyé. Sensible à l'atmosphère tendue de la guerre froide, il s'inscrit au Parti communiste en 1953, pour le quitter trois ans plus tard, à la suite de l'intervention soviétique en Hongrie. En 1959, lors de la première biennale de Paris, le peintre réalise un tableau monumental de plus de 4 mètres par 14, intitulé Planchemouton, qui lui vaut le premier prix. Conçu comme un éloge de la nature contre les excès d'une société qui déjà ne parle qu'en termes de mass media et de consommation, la toile opère en manifeste d'une œuvre dont la réalité est « immédiate et vitale, immédiate parce que vitale », comme l'écrira plus tard le critique anglais Herbert Read.

Au début des années 1960, Rebeyrolle quitte Paris pour vivre et travailler à la campagne, dans l'Aube, puis en Côte-d'Or, dans un petit village bourguignon à la lisière de la Champagne. Plutôt que d'un retrait, il s'agit pour lui d'être en position d'écoute, afin de mieux regarder et réfléchir le monde. Dès lors, son art va se décliner en séries, parmi lesquelles Coexistences (1970), Faillite de la science bourgeoise (1973), Natures mortes et pouvoir (1975), Le Sac de Madame Tellikdjian (1983), Au royaume des aveugles (1987), Les Panthéons (1990-1991), Splendeur de la vérité (1993), Le Monétarisme (1997-1998) ou Clônes (2000), qui expriment ses partis pris. Projection, assemblage et trituration de matériaux divers y sont mis au service d'imposantes compositions qui brossent un portrait sans complaisance, voire dénonciateur, de la société. Jean-Paul Sartre, qui signe en 1970 la Préface du catalogue de l'exposition Coexistences à la galerie Maeght à Paris, ne s'y trompe pas, qui souligne que « l'engagement » de l'artiste est bel et bien « son thème ».

À sa façon peintre d'histoire, Rebeyrolle l'est aussi de paysage. Et si son art est fondamentalement humain, c'est que rien ne l'intéresse plus que le rapport au monde qu'entretient l'homme, non en termes narratifs, mais au regard d'une pensée toujours élargie de sa condition. Sans âge, livrées au regard dans la nudité brute de leurs chairs, les figures de Rebeyrolle ne sont jamais désignées en tant qu'individus ou personnes privées, mais comme les représentants d'une catégorie sociale ou d'un statut particulier. Ce sont les héros d'une histoire universelle[...]

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Philippe PIGUET. REBEYROLLE PAUL (1926-2005) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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