ANDREU PAUL (1938-2018)

Né le 10 juillet 1938 à Caudéran, le jeune Paul Andreu quitte sa Gironde natale pour intégrer l'École polytechnique à Paris avec l'intention de devenir physicien. En 1960, il en sort diplômé, et changé : les cours de dessin l'ont convaincu qu'il était destiné à embrasser une carrière créatrice. Il intègre alors les Ponts et Chaussées, et devient ingénieur en 1963. En parallèle, inscrit à l'École nationale supérieure des beaux-arts, il apprend l'architecture auprès de professionnels et de théoriciens qui marqueront son approche du projet en lui apprenant à « travailler davantage sur la question que sur la réponse ». Intégrant Aéroports de Paris (ADP) en 1964 comme ingénieur chargé des travaux neufs, il mène à bien la construction des pistes et de divers bâtiments à Orly. En 1968, il achève ses études d'architecture et est chargé des études du concept de la première aérogare du futur aéroport de Roissy-Charles de Gaulle.

On peut dire que Paul Andreu fut l'« inventeur » de Roissy, l'homme qui imagina non seulement une aérogare mais un paysage entier (3 300 ha), des voies d'accès, des équipements publics, et jusqu'au mobilier dont il dessina les formes et choisit les couleurs.

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L'aérogare de Roissy 1, achevée en 1974, adopte un plan rond massif et opaque. Elle est entourée de sept « satellites » destinés à relier les salles d'embarquement aux avions. Le choix de cette forme résultait d'une volonté fonctionnelle : diminuer les distances de marche, faciliter l'accès des nouveaux avions, comme le 747 ou les futurs supersoniques. L'architecte souhaitait une aérogare spacieuse (200 mètres de diamètre), flexible et pratique pour les voyageurs, un « nœud organique ». Conscient que ce projet était une vitrine de l'innovation et des avancées techniques en France, il refusa néanmoins le parti pris des surfaces vitrées, pour se tourner vers des matériaux simples et sans ostentation. Car, selon lui, il fallait « dépouiller les ouvrages de tout ce qui n'est pas indispensable, et avant tout de tout ce qui dissimule ou seulement habille ». Au gris du béton brut des murs s'opposait donc le simple carrelage blanc des sols publics et les reliefs argentés des gaines de canalisation laissées visibles. Seuls l'orange des sièges et le jaune de la signalisation venaient rompre cette simplicité étudiée. Paul Andreu organisa néanmoins une circulation ascensionnelle spectaculaire, dans laquelle le voyageur passe de l'ombre des routes à la lumière naturelle de l'espace central de l'aérogare, dans un mouvement de spirale rythmé par le ballet incessant des ascenseurs et des escaliers mécaniques. Le projet Roissy fut donc le fil conducteur de la carrière de Paul Andreu durant trente ans. Il dessina les phases successives de l'aérogare 2 de 1972 à 1997, les gares TGV et RER en 1976 et 1998, et la majorité des bâtiments de l'aéroport. À son départ d'ADP en 2003, il créa sa propre agence. Mais, en 2004, l’effondrement d’une section du terminal 2E, qui provoqua la mort de plusieurs personnes, le marqua profondément.

En parallèle, et en raison de l'impact qu'eut Roissy 1, considéré comme une œuvre innovante et ambitieuse alliant brutalisme et lyrisme métaphorique, la carrière de Paul Andreu prit une dimension internationale : il construisit ainsi plus d’une vingtaine d'aéroports dans le monde (Abu Dhabi, 1982 ; Shanghai, 1999 ; Nice Côte d'Azur, 2002 ; Dubaï, 2007) et reçut en quelques années les distinctions et prix les plus prestigieux de la discipline dont le grand prix national d'architecture en 1977, le grand prix Florence Gould en 1989, et le prix du Globe de cristal en 2006. En 1996, il avait été élu à l’Académie des beaux-arts.

Cependant, pour beaucoup, Andreu est demeuré un architecte anonyme jusqu'à la très médiatisée réalisation de la Grande Arche de la Défense, en 1989. Pour ce projet, qui donna naissance à un signal fort pour ce quartier tertiaire, il épaula Johan Otto von Spreckelsen (1929-1987) avant de lui succéder après sa disparition, qui ne lui permit pas de voir sa réalisation achevée. Projeté sur le devant de la scène, Paul Andreu se défit enfin de son « étiquette d'architecte d'aéroports » afin d'embrasser des programmes nouveaux et stimulants, dans une quête personnelle alliant défi technique et intelligibilité des structures (tremplin de saut à ski, Courchevel, 1991 ; terminal français du tunnel sous la Manche, 1993 ; Musée maritime d’Osaka, 2000 ; Centre des sciences et des arts de Suzhu, 2003).

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En remportant le concours pour l'Opéra de Pékin en 1997 (inauguré en 2007), Paul Andreu aborde sans le savoir une nouvelle page de son histoire, celle des constructions chinoises. Ainsi, parallèlement à ce prestigieux chantier qui imposa, contre certains détracteurs, un îlot de titane et de verre au centre d'un lac artificiel en plein cœur du quartier historique de la capitale chinoise, l'architecte entreprit la réalisation du Centre des arts orientaux de Shanghai (2002), du palais omnisports de Canton (2001), et de l'Opéra de Jinan (2013). Dans la plupart de ses projets chinois, Andreu adopte des formes arrondies, rappelant les galets des jardins zen dont la disposition et l'orientation harmonieuses ne doivent rien au hasard, mais dont la transparence et la lumière évoquent l'évanescence d'une goutte d'eau.

Paul Andreu a notamment publié J’ai fait beaucoup d’aérogares. Les dessins et les mots (1998), Lettre à un jeune architecte (2011) et Archi-mémoires : entre l'art et la science, la création (2013).

Entre défi et sensibilité, Paul Andreu s'est illustré aussi bien dans la réflexion théorique que par son engagement auprès d'associations et de commissions, et par ses prises de position dans le débat architectural international.

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Il meurt à Paris le 11 octobre 2018.

— Eve ROY

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Écrit par

  • : docteure en histoire de l'art

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