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SPARK MURIEL (1918-2006)

Comme beaucoup d'écrivains femmes, Muriel Spark ne découvrit sa vocation que relativement tard, alors qu'elle menait une vie difficile. Lorsque parut le premier de ses romans Les Consolateurs (The Comforters, 1957), elle avait trente-neuf ans et se relevait d'une grave dépression nerveuse. Elle trouva là d'emblée sa voix et sa manière, le ton acerbe et ironique, le sens du grotesque qui devaient marquer son œuvre.

Depuis la fin des années 1950 jusqu'à celle des années 1970, Muriel Spark publia, ou peu s'en faut, un roman par an, auxquels s'ajoutèrent nouvelles, essais, pièces de théâtre, poèmes. En 1961 paraissait Le Bel Âge de Miss Brodie (The Prime of Miss Jean Brodie), l'histoire d'une institutrice inspirée qui parlait à ses élèves de sexe et de Mussolini et les incitait à devenir « la crème de la crème ». Le succès du livre puis du film qui en fut tiré et des adaptations télévisées allaient assurer à Muriel Spark une sécurité financière.

Muriel Sarah Camberg naquit à Édimbourg, le 1er février 1918, d'une mère anglaise qui enseignait la musique et d'un père « né de parents juifs écossais », qui exerçait le métier d'ingénieur. Des origines qu'elle eut toujours le souci d'assumer, que ce soit l'éducation en Écosse (même si elle n'entra pas à l'université, le coût des études étant trop élevé et ses goûts ne l'y poussant pas) ou la judéité (La Porte Mandelbaum[The Mandelbaum Gate], 1965). Mais ce sont en vérité toutes les étapes et les grands choix de sa vie qui transparaissent dans son œuvre : « J'avais toujours eu conscience d'être en train d'amasser de l'expérience pour quelque œuvre littéraire future. » En 1937, elle épousa Sydney Oswald Spark (le S.O.S. de son autobiographie, Curriculum Vitae, 1992), un homme de treize ans plus âgé qu'elle, affligé de troubles mentaux, qu'elle suivit en Rhodésie du Sud et dont elle eut un fils, Robin. Ses nouvelles (The Go-Away Bird, 1958) suggèrent non seulement le porte-à-faux de l'existence coloniale, mais la tristesse et les difficultés qu'elle endura alors. En 1944, elle choisit de s'enfuir et de regagner l'Angleterre en guerre. Elle avait déjà quitté son mari et demandé le divorce.

À Londres, elle s'installa au club Helena (qui devait servir de modèle au club May de Teck dans Les Demoiselles de petite fortune (The Girls of Slenders Means, 1963) et trouva un emploi dans les services secrets du Foreign Office. Là, « comme une mouche sur un mur », elle observa à loisir un univers de machinations méthodiques, participant à la « mystification résolue et efficace de l'ennemi », utilisant le faux pour produire le vrai, comme plus tard dans ses romans. Son passage à la Poetry Review, dont elle devint la rédactrice en chef, la mit en contact avec un monde d'intrigues, de folie et de petitesses qu'elle transposa dans Intentions suspectes (Loitering with Intent, 1981).

Un livre sur Mary Shelley, un autre sur John Masefield, un recueil de poèmes (The Fanfarlo, 1952) : sa réputation naissait. Cependant, elle allait d'un emploi à l'autre, accumulant les expériences, et si démunie qu'elle ne mangeait pas toujours à sa faim. Deux facteurs furent décisifs : en 1951, elle gagna le concours de nouvelles organisé par l'Observer ; puis lors de sa maladie en 1954, elle reçut une aide financière de Graham Greene. La même année, elle se convertit au catholicisme : elle obéissait à l'idée de la nécessité d'un ordre. Ordre d'où elle tirait un sentiment de sécurité et de liberté. Depuis Les Consolateurs jusqu'à L'Unique Problème (The Only Problem, 1984), le livre de Job restait au centre de ses préoccupations.

Reflétant cette idée, sa fiction propose un schéma qui se superpose au réel.[...]

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Pour citer cet article

Christine JORDIS. SPARK MURIEL (1918-2006) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ, Jacques DARRAS, Jean GATTÉGNO, Vanessa GUIGNERY, Christine JORDIS, Ann LECERCLE, Mario PRAZ
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    ...onirisme « est au plus haut point réel, où affleure constamment l'idée de la mort et de la vacuité de la vie » (Nothing, 1950). Aucun lien de Green à Muriel Spark, si ce n'est l'originalité de la vision et de la démarche. Dans l'univers de Spark, où rôdent sorcières, grands prêtres et diables, deux mondes...

Voir aussi