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DÉA MARIE (1919-1992)

La carrière de Marie Déa est à son image, reflet d'une mélancolie souriante acceptant les accidents de parcours. Née parisienne le 20 juin 1919, Marie Déa se tourne rapidement vers le théâtre. Elle n'a pas vingt ans et fait déjà partie de la troupe réunie par Gaston Baty. On remarque ses apparitions furtives mais gracieuses dans Madame Bovary, Madame Capet, Macbeth. Brune aux yeux vifs, elle bénéficie, outre sa présence en scène, d'un sourire un peu tremblé à la limite de l'émotion. Dès 1938, le cinéma lui fait signe : à peine la remarque-t-on dans La Vierge folle (Henri Diamant-Berger). Mais, dans une courte scène d'une production maritime (Nord-Atlantique, de Maurice Cloche, 1939), elle montre ses qualités dramatiques. Ce qui entraîne sans doute Robert Siodmak à la choisir pour le premier rôle féminin de Pièges (1939). Face à une intimidante brochette d'acteurs : Maurice Chevalier, Erich von Stroheim, Pierre Renoir, André Brunot, non seulement elle s'impose, mais, dans un rôle chatoyant, atteint dans les moments pathétiques une réelle intensité. Le film consacre son succès pendant la drôle de guerre, alors qu'elle tourne, en compagnie de Félix Gandéra et de Léo Joannon, des films sans grand intérêt.

Dès 1941, on la retrouve heureusement séduisante dans l'adaptation par Marcel L'Herbier de la pièce d'Armand Salacrou : Histoire de rire. La même année, Christian-Jaque lui confie un rôle sur mesure dans Premier Bal, où elle utilise au mieux son fameux sourire au bord des larmes. Délaissant la comédie sentimentale, Marie Déa devient reporter en jupons, nette, simple et convaincante, par la grâce de Georges Lacombe (Le journal tombe à cinq heures). À la fin de cette année 1942, elle enchante le public, qui plébiscite la légende médiévale des Visiteurs du soir (Marcel Carné, sur un scénario et des dialogues de Jacques Prévert et Pierre Laroche). Anne, si pure et si confiante, dont l'amour tiendra en échec le Malin, Anne au hennin, Anne à la fontaine, Anne échappée d'un livre d'heures ; le personnage trouble les cœurs sensibles et projette Marie Déa au firmament.

Elle peut croire – et ses admirateurs avec elle – la partie gagnée. Il n'en est rien. Dans Secrets, que Pierre Blanchar réalise en 1943 pour ses débuts dans la mise en scène d'après une œuvre de Tourgueniev, on la sent tout à coup gênée, tendue et, malheureusement, grandiloquente. Quatre ans durant, les films où elle paraît ne sont que de mauvais choix. Il faut attendre le remake de La Maternelle (Henri Diamant-Berger, 1948) pour voir l'actrice retrouver ses qualités d'émotion. Marie Déa joue désormais des personnages sacrifiés, telle cette douce Mme de Coigny qui se fait guillotiner à la place de Martine Carol (Caroline chérie, Richard Pottier, 1950). L'Eurydice de Jean Cocteau qui affronte dans Orphée (1949) Jean Marais, François Périer et Maria Casarès ne suffit pas à la remettre en selle. Elle se fait alors de plus en plus discrète, reprend les tournées théâtrales, se consacre aux aveugles et aux immigrés, évite de s'appesantir sur le passé. Ses apparitions à l'écran sont de plus en plus rares. Entre autres : La Jument verte (Claude Autant-Lara, 1959), Le Glaive et la Balance (André Cayatte, 1962), Mariage (1974) et Le Bon et les Méchants (1975) de Claude Lelouch. Elle avait paru dans Les Ruses du diable (Paul Vecchiali, 1965) et revint une fois encore dans L'Homme pressé (Édouard Molinaro, 1977).

— Raymond CHIRAT

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Raymond CHIRAT. DÉA MARIE (1919-1992) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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