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ZAMBRANO MARIA (1904-1991)

Écrivain et philosophe, María Zambrano est née à Vélez-Málaga, le 22 avril 1904, et passe son enfance à Madrid et à Ségovie. Étudiante à l'université de Madrid, elle y a pour maîtres Manuel García Morente, Xavier Zubiri et José Ortega y Gasset. Ses premiers écrits paraissent dans Cruz y raya et la Revista de Occidente. Assistante de métaphysique à Madrid, de 1931 à 1936, elle rédige sa thèse sur Le Salut de l'individu chez Spinoza. En 1937, dans Los Intelectuales en el drama de España, elle analyse la déchirure du tissu social en Espagne, due, selon elle, à un défaut d'assimilation du passé. À la fin de la guerre civile, elle quitte l'Espagne pour un long exil. En 1939, au Mexique, elle se lie avec Alfonso Reyes et León Felipe. La Havane, Paris, Puerto Rico, Rome, Genève sont les étapes de son errance. Deux articles, de José Luis Aranguren et de José Angel Valente, contribuent à faire connaître son œuvre. Elle revient en Espagne en 1984. En 1988, elle reçoit la consécration du prestigieux prix Cervantes. Elle réside désormais à Madrid, jusqu'à sa mort survenue le 6 janvier 1991. Abondante et diverse, son œuvre procède par essais fragmentaires plutôt que par exposés systématiques. La « raison poétique » définit sa méthode. À la manière de Bergson et d'Unamuno, l'intuition poétique qui saisit l'essence des choses constitue, pour María Zambrano, l'outil privilégié de la connaissance. Accueillante à l'amour, au mystère, à la venue de l'être, la raison poétique doit supplanter le rationalisme. Il ne s'agit plus de conquérir la vérité, mais de se laisser posséder par elle. Un changement est, pour cela, inéluctable : « La culture moderne, encore libérale et romantique, héritière de la longue tradition gréco-chrétienne, est maintenant finie. L'ultime fond de la réalité est le sacré où tout se fonde et prend sens, d'où tout part et où tout retourne. » Le « divin » est ainsi la voie d'accès à la réalité. L'athéisme même contribue à cet avènement de Dieu, « toujours naissant dans la communauté des hommes ». La parole, qui à la fois voile et dévoile, dit la substance et l'essence des choses. Le rêve et l'inconscient – le « songe primitif » – sont aussi lieu et promesse de l'émergence de la conscience et de la liberté. Le « sentir originel » est la matière même que la pensée doit déchiffrer, ou, mieux, faire éclore. La démocratie est la seule forme de gouvernement où il est « non seulement permis, mais exigé d'être une personne », et seule la personne donne sens à l'histoire et à la société. Tels sont quelques-uns des grands thèmes qui traversent les livres de María Zambrano et orientent son regard sur le monde. L'essentiel de sa pensée est contenu dans ces ouvrages : Filosofiá y poesía (1939), Hacia un saber sobre el alma (Vers un savoir sur l'âme, 1950), El Hombre y lo divino (1955), Claros del bosque (Les Clairières du bois, 1977), De la Aurora (1986), El Sueño creador (1965), Delirio y destino (1988)... Une langue élégante et précise, un style brillant et limpide caractérisent les écrits de cet écrivain, ennemi de l'inexactitude ou de la grandiloquence, où s'entrave l'essor de la parole qui, selon son expression, doit se délivrer du langage pour provoquer ou proclamer l'assomption de l'univers.

— Bernard SESÉ

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

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Pour citer cet article

Bernard SESÉ. ZAMBRANO MARIA (1904-1991) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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