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JOUHANDEAU MARCEL (1888-1979)

De Jouhandeau, Léautaud prédisait qu'il écrivait trop et que cela le perdrait. Jusqu'à sa mort, ou peu s'en faut, à quatre-vingt-dix ans, toute la vie de Jouhandeau en effet passa par l'écriture, et lorsque paraît le vingt-quatrième volume de ses Journaliers, combien de carnets décantent, peut-être à jamais, dans les tiroirs, ou à la bibliothèque Jacques Doucet ? Si l'intensité de sa vie ne prouvait le contraire, on pourrait croire que Jouhandeau ne s'y attarda que pour l'écrire. C'est que l'écriture et la vie en lui se fondent comme deux activités complémentaires et indissociables. Anas, carnets intimes, chroniques, essais sur soi-même et les autres, traités de morale, récits ou contes, peu importe le genre : Jouhandeau est, avec Balzac – et d'une tout autre façon –, le visionnaire le plus réaliste de la littérature française. Cela ne l'a pas perdu.

Un monde

Lecteur assidu de « l'arbre de visages », écouteur indiscret d'anas, toujours aux aguets de soi-même et d'autrui, fût-ce du plus humble de ses « animaux familiers », Jouhandeau fut le plus égocentrique et le plus ouvert des hommes. Il est Juste Binche, « le fils du boucher », de Chaminadour (Guéret, où naquit Marcel Jouhandeau en 1888), attentif à sa rue, à sa ville, qu'il découvrit d'abord derrière la devanture de la boutique paternelle, puis dans les lettres que, chaque jour jusqu'à sa mort, lui adressa la douce et forte Agnès Binche, sa mère. Chaminadour est Un Monde, peuplé des Pincengrain, des Térébinte, de Tite-le-Long, de Ximenès Malinjoude, de L'Oncle Henri, de Prudence Hautechaume... autant de noms, autant de titres. C'est le monde du Mémorial. Est-ce le Monde pour Jouhandeau ? Microcosme, à ses yeux, où tous les appétits, toutes les passions, toutes les grandeurs de l'homme se trouveraient incarnés sous les espèces d'un bourg provincial élevé à une dignité dantesque, avec ses enfers et son empyrée. Seule la médiocrité en est exclue, comme si, justement, Jouhandeau ne s'intéressait qu'au sublime, quitte à sublimer le banal. C'est ce qui rend son œuvre si peu moderne : son Enfer même ne comporte point de médiocres ; le Dieu de Jouhandeau, à qui Jouhandeau-Dieu se charge au besoin de suppléer, n'en saurait point créer.

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Écrit par

  • : docteur en littérature française, maître assistant à l'université du Maine, Le Mans

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Pour citer cet article

Jeannine ETIEMBLE. JOUHANDEAU MARCEL (1888-1979) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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