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LIU YUXI[LIEOU YU-SI](772-842)

Liu Yuxi n'est pas un des grands noms de la poésie chinoise classique, mais une demi-douzaine de ses poèmes, nous dit un critique moderne sévère, lui ont permis de survivre à l'oubli. Sa vie est à la fois banale et intéressante parce que typique de son époque. Entré dans l'administration impériale par la grande porte de l'« examen de la vaste érudition et de la grande composition » (moins d'un pour cent des candidats, pourtant choisis parmi les meilleurs des lettrés des provinces, le réussissaient), il est nommé censeur ; bientôt cependant, à cause de son amitié avec un Premier ministre qui tombe en disgrâce, il est banni au sud de la Chine. Il n'est pas sans intérêt de dire que leur amitié était liée à une même politique, celle d'une ouverture de la bureaucratie à de nouvelles classes sociales, contre le parti des grandes familles, au pouvoir depuis des générations. Liu Yuxi passera plus de vingt ans dans diverses villes de province avant d'être rappelé à la cour comme secrétaire du ministère des Rites. Son amitié avec le grand personnage qui l'a appelé à ce poste lui vaut de quitter la cour lorsque ce dernier prend sa retraite. Ainsi les aléas de sa vie sont-ils typiques des mésaventures que subissent les esprits indépendants de ce temps.

Comment l'œuvre de Liu Yuxi est-elle marquée par cette existence ? La façon dont, de près, il voit agir la haute administration le conduit à prendre dans beaucoup de ses poésies un ton satirique à l'égard des maîtres de l'Empire. Il est curieux de noter que, dans un régime aussi autocratique que l'Empire des Tang, des critiques pouvaient être aussi vives.

Comme on le trouve chez tous les poètes des Tang, il sait chanter la beauté des saisons, les joies de l'amitié et du vin, les bonheurs et les misères de la vie. L'un de ses poèmes les plus célèbres est intitulé Ballade du vent d'automne : D'où nous vient sifflant le vent de l'automne / Qui bruisse en compagnie des oies sauvages ? / Le matin il atteint les arbres du jardin / Et l'exilé est le premier à l'écouter. L'automne et les vols d'oies sauvages sont des thèmes de l'exil, mais la simplicité des mots donne tout son charme au poème.

Pendant son exil dans le Sud, Liu Yuxi entendit les chants utilisés par les chamanes dans leurs cérémonies extatiques ainsi que les chansons que chantaient les jeunes dans les rues : les uns et les autres lui paraissent grossiers et vulgaires. Il entreprend alors de composer des paroles pour ces airs préexistants. Ces poèmes peuvent donc être considérés comme les premiers ci. Ce sont des chansons souvent pleines d'émotion sur les misères de la vie, par exemple la Chanson des tristesses du gynécée : L'astre glacé qu'encage un voilage de perles, / La fenêtre de soie derrière la lumière... / Vient la nuit, mon mouchoir se remplit de mes pleurs, / La moitié est gelée, tels frimas du printemps. Ce n'est pas sans raison qu'arrive en fin de poème le printemps, métonymie de l'amour, de la joie, mais tout le texte est dominé par des évocations de froidure et ces quelques vers chantent la solitude d'une femme amoureuse et abandonnée, la longueur des tristes soirées.

— Yves HERVOUET

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-VII, directeur de l'Institut des hautes études chinoises au Collège de France

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Pour citer cet article

Yves HERVOUET. LIU YUXI [LIEOU YU-SI] (772-842) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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