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O'FLAHERTY LIAM (1896-1984)

Le nouvelliste

Dans les années 1930, O'Flaherty devait écrire deux grands romans, qui ont particulièrement retenu l'attention de la critique. Skerrett (1932), situé dans l'île de Nara (Aran), décrit l'opposition entre un maître d'école féru jusqu'à la folie de liberté, et un prêtre, très organisateur, qui aura raison de lui. Famine (1937) acquiert une dimension d'épopée par le vaste tableau que brosse O'Flaherty de la désintégration de la société rurale irlandaise sous l'effet de la grande famine de 1846-1848. Tous les types d'hommes s'y trouvent réunis : ceux qui luttent, ceux qui se résignent, ceux qui s'illusionnent et ceux qui s'abaissent. Les destinées adverses qui s'opposent – Celte et Anglo-Saxon, prêtre du peuple et prêtre de hiérarchie, ceux qui font commerce du malheur et ceux qui le subissent, et même ceux qui veulent vivre et ceux qui veulent mourir – donnent à l'œuvre ce profond sentiment d'un passé qui a toujours été présent dans la conscience collective irlandaise.

Certains critiques pensent que, si puissant que soit le rythme de ses romans, c'est dans le récit court que Liam O'Flaherty a le mieux donné la mesure de lui-même. Le risque de perdre le contrôle d'un matériel narratif surabondant et surtout celui d'être dépassé par la très forte vitalité de ses personnages sont ici limités. O'Flaherty était profondément engagé dans son travail d'écriture, totalement pris par l'œuvre en cours, à tel point qu'il lui était souvent difficile de préciser avec une complète sûreté ses grandes lignes. C'est pourquoi, sur le plan formel, la critique a tendance à soutenir la supériorité d'O'Flaherty nouvelliste sur O'Flaherty romancier.

Si la ville, avec son œuvre de civilisation insidieuse et ambiguë, sert autant de toile de fond pour les romans que la campagne, il n'en va pas de même pour les contes où c'est au contraire la nature éloignée de la ville, et même éloignée de l'homme, qui est privilégiée. Pour ce romancier broyé dans sa jeunesse par le choc de « civilisations » européennes engagées dans une lutte stérile, l'examen du monde qui existe en dehors de l'homme exerce une fascination permanente. Chez cet ancien enfant d'Aran, l'évocation du monde des oiseaux, de l'océan et des chevaux – que les Irlandais aiment au point de les appeler les « gars » – acquiert une extraordinaire précision.

Tant qu'il y aura une littérature, les lecteurs de Liam O'Flaherty garderont mémoire d'un verbe torrentiel, qui s'appuie sur une langue d'adoption portant en elle le riche résidu de la chaude poésie gaélique d'Aran. Ils garderont aussi le souvenir des grands personnages qui traversent ses romans et ses contes, personnages auxquels leur simple humanité irlandaise confère souvent une dimension plus puissante que celle de l'œuvre qui les encadre. Ainsi en va-t-il pour le père Francis de La Terre, le Tumulty de L'Assassin, le Gallagher du Mouchard, ou le Mathew O'Daly de L'Âme noire. Enfin, les lecteurs garderont surtout de la nostalgie pour le charme intemporel du grand conteur, comme si O'Flaherty lui-même les avait fixés, tout au long de son œuvre, de ses yeux d'un bleu intense.

— Michael SCOTT

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Michael SCOTT. O'FLAHERTY LIAM (1896-1984) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Liam O'Flaherty - crédits : Bettmann/ Getty Images

Liam O'Flaherty

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