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LES TRIPLETTES DE BELLEVILLE (S. Chomet)

L'auteur de cet étonnant long-métrage d'animation, Sylvain Chomet, est bien connu des amateurs de bande dessinée. Avant de passer au cinéma d'animation, il a écrit le scénario de plusieurs albums, dont trois furent dessinés par un graphiste de génie, Nicolas de Crécy : Léon la came (prix René-Goscinny 1996), Laid pauvre et malade (Alph'Art au festival d'Angoulême 1997) et Priez pour nous (1998). En 1997, Chomet signe un premier court-métrage de vingt-cinq minutes, La Vieille Dame et les pigeons, étrange aventure d'une gentille mémé, dupée par un policier famélique qui se déguise en pigeon pour se faire nourrir gratis ! Un style s'impose, très visuel (les décors, magnifiques, sont à nouveau de Nicolas de Crécy). Sylvain Chomet crée un univers foisonnant, où le grotesque se mêle à l'insolite et la caricature à l'observation psychologique. Un humour farfelu laisse filtrer une vraie tendresse pour tout un « petit peuple » haut en couleur. C'est l'avalanche de prix internationaux décernés à ce coup d'essai et la fidélité d'un producteur, Didier Brunner (qui, entre-temps, avait connu le succès avec Kirikou et la sorcière, de Michel Ocelot) qui vont permettre à Chomet d'accéder au long-métrage.

Les Triplettes de Belleville (2002) est une coproduction française (pour la conception), québécoise (pour l'animation) et belge (pour les effets spéciaux en 3D). Il y est à nouveau question d'étranges vieilles dames. La première, madame Souza, est une grand-mère moustachue affligée d'un pied-bot et flanquée d'un compagnon inénarrable, son chien Bruno. On la découvre dans sa banlieue parisienne, où elle habite une maison vétuste, tout près d'une voie de chemin de fer. Inlassablement, elle entraîne son petit-fils, Champion, un grand échalas dont elle veut faire un dieu du cyclisme. Un jour, enfin, Champion participe au Tour de France. Mais, au cours d'une étape de montagne, le voilà kidnappé et jeté dans un cargo qui traverse l'Atlantique en direction de l'Amérique, où il va être forcé de travailler pour une bizarre maison de jeu. Accompagnée de Bruno, Madame Souza se lance aussitôt à la poursuite des ravisseurs. Elle sera aidée dans son enquête par trois vieilles gloires de la chanson – les fameuses « triplettes » du titre.

Une fois encore, on est frappé par l'aspect visuel du film. Si Sylvain Chomet a choisi le début des années 1960 comme toile de fond, c'est pour en restituer toute la fantaisie décorative. Après un Paris rétro à souhait, on découvre, dans le sillage des triplettes, une mégapole surréaliste, ironiquement rebaptisée Belleville, dont l'architecture délirante évoque New York ou Montréal. Le film est quasi muet, avec – hommage à Jacques Tati – une trame sonore très riche, pleine de bruitages et de musique. Les références de Chomet sont celles de son enfance : la bande dessinée (Pilote, Pif gadget, À suivre...), le cinéma (les Monthy Python), la télévision. La modestie des personnages rappelle Sempé. Et Dubout est ouvertement cité dès les premières séquences avec le passage d'une énorme dame qui évoque les créatures du dessinateur. Jacques Tati est encore présent à travers un extrait de Jour de fête, ce qui va de soi dans un film où le vélo tient une place centrale.

Sylvain Chomet est attaché au côté artisanal et sensuel du dessin fait à la main, avec son trait qui vibre, façon 101 Dalmatiens. Il reste fidèle à l'animation traditionnelle, tout en utilisant pleinement les techniques modernes qui permettent d'enrichir l'image. C'est ainsi que les dessins ont été tracés sur papier, puis scannés et mis en couleur par informatique. Même technique pour les décors (il y en a mille pour mille deux cents plans) auxquels un logiciel spécial a restitué une texture proche du papier. Enfin,[...]

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Bernard GÉNIN. LES TRIPLETTES DE BELLEVILLE (S. Chomet) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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