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BRANDYS KAZIMIERZ (1916-2000)

Né à Lodz dans une famille d'origine juive totalement polonisée, Kazimierz Brandys passe son baccalauréat et fait ses études à Varsovie. Lorsque, en 1939, il obtient sa maîtrise en droit, l'avenir qui s'ouvre devant lui n'est nullement radieux : il lui faut cacher ses origines. Au sortir de la guerre, il adhère au Parti communiste et devient membre de l'Union des écrivains polonais. Commence pour lui la période de l'engagement fervent pour l'idéal communiste. À part ses livres sur l'occupation nazie où, malgré une certaine lourdeur, vibre un ton juste (Varsovie, ville invincible, 1946 ; Samson, 1948, dont Andrzej Wajda tirera, en 1961, un de ses meilleurs films), c'est essentiellement en tant que membre du parti qu'il s'exprime dans ses premiers écrits, construits pour la plupart selon les canons du réalisme socialiste.

Comme pour beaucoup d'écrivains de sa génération, le réveil vient avec le dégel de 1956. Les romans du Brandys de cette époque-là (La Défense de Grenade, 1956 ; La Mère des Rois, 1957, porté à l'écran en 1987) appartiennent au courant propre à la littérature de l'Europe de l'Est, celui qui entame un « règlement de comptes » avec le passé stalinien. Son œuvre va désormais privilégier l'analyse psychologique des personnages, les aléas des relations amoureuses, souvent dépendantes de l'Histoire, toujours présente en toile de fond (Lettres à Madame Z., 1958 ; L'Art d'être aimée, 1960, adapté au cinéma par Wojciech Has en 1963 ; Façon d'être, 1963 ; Très vieux tous deux, 1964).

Une place à part revient à Variations postales (1972), recueil de lettres apocryphes écrites par les représentants de sept générations d'une famille imaginaire de nobles polonais, les Zabierski. La saga familiale est une réponse personnelle subtile et magistralement composée à la question de la double identité de l'écrivain, polonaise et juive.

Brandys quitte le parti en 1966. À partir de 1976, il figure parmi les intellectuels fondateurs d'une opposition démocratique au régime communiste. Corédacteur de la première revue littéraire clandestine Zapis (Interdit de publication), il est aussi le premier et l'un des rares écrivains polonais à publier un roman (En Pologne, c'est-à-dire nulle part, 1978) dans la maison d'édition clandestine NOWA.

Une semaine avant la proclamation de l'état de guerre par le général Jaruzelski, le 13 décembre 1981, Kazimierz Brandys et sa femme Maria quittent la Pologne, sans savoir qu'ils n'y aura pas de retour possible pour eux. Ils se réfugient d'abord aux États-Unis, puis en France, à Paris. Dans son Journal, l'écrivain évoquera souvent cette vie volontairement « anonyme » d'un apatride par choix (Carnets Paris-New York-Paris, 1982-1984, 1987 ; Hôtel d'Alsace et autres adresses, 1991 ; Les Aventures de Robinson, 1999). Après 1990, Brandys retourne chaque année en Pologne, y publie, reçoit des prix. Mais la place du témoin et de l'observateur attentif lui sied mieux que « le bruit et la fureur » de la réalité polonaise.

L'utilisation de sa propre biographie, mi-vraie, mi-fictive, comme toile de fond de ses derniers récits met en évidence le goût et la fascination de Kazimierz Brandys pour le jeu avec les fictions qui deviennent réalité, comme le vrai-faux réseau de résistance qu'invente, sous l'occupation nazie, le protagoniste de son roman Rondo (1982). Son grand souci était alors de ne pas figer les personnages dans un rôle unique, de réfléchir sur l'influence de la Providence (ou de l'Histoire ?) sur notre vie, et de se placer, du côté du doute, seul garant de la vérité.

— Agnieszka GRUDZINSKA

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Agnieszka GRUDZINSKA. BRANDYS KAZIMIERZ (1916-2000) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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