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MÁCHA KAREL HYNEK (1810-1836)

L'un des plus grands talents de la poésie tchèque de l'époque moderne, Mácha fait aussi figure de grand inspirateur des poètes de son pays. Praguois d'origine, fils d'un petit commerçant ruiné par la banqueroute d'État consécutive aux guerres napoléoniennes, Mácha, qui tout d'abord écrit en allemand, se découvre très tôt une vocation tchèque, à la fois littéraire et patriotique. Dès la fin du lycée, puis à la Faculté de droit, il est déjà le porte-parole des étudiants qui aspirent à une émancipation culturelle. Mácha lit les philosophes, étudie le passé de la patrie, compose en vers et en prose, crée des ébauches de pièces dramatiques. Sa langue tranche sur le tchèque affaibli par deux siècles de germanisation, ses images frappent par leur originalité. C'est à la philosophie ou, tout simplement, à l'idéologie qu'ils pensent découvrir dans ses œuvres que s'en prennent assez vite ceux qui jugent le jeune poète extravagant et fâcheusement anticonformiste. Le long poème Mai (Maj, 1836), premier ouvrage que Mácha réussit à publier et qui deviendra un des livres majeurs de la littérature nationale, servira de cible. On le trouve maladivement romantique, entaché de cosmopolitisme et présentant une vision pessimiste de l'existence humaine. On lui reproche surtout de s'intéresser à des problèmes dont la nation n'a que faire, appelée qu'elle est à servir des idéaux plus immédiats et plus pratiques que ne l'est une méditation sur le sens de la vie et de l'univers. On taxe le jeune Mácha d'épigone de lord Byron, cet aristocrate aux mœurs douteuses dont les écrivains tchèques doivent soigneusement se garder. Seuls quelques amis, ainsi que la critique allemande et slovaque, saluent en Mácha le plus étonnant des nouveaux écrivains de la langue tchèque sortie comme par miracle de son sommeil. Mácha décide de s'installer à une centaine de kilomètres de Prague pour y travailler chez un notaire et y fonder un foyer avec sa fiancée Lori (Éléonore) et leur enfant. Mais il meurt quarante-huit heures avant les noces.

L'œuvre poétique de Mácha, sa prose, ses cahiers intimes, les moindres manifestations de son existence offrent une constante occasion de méditer sur les vraies valeurs de la pensée tchèque moderne. Pour Tomáš Masaryk, Mácha est un « prophète précoce », la personnalité la plus profonde de la nouvelle génération d'avant l'année insurrectionnelle de 1848. Šalda voit dans le jeune homme le magnus parens de la poésie moderne tchèque et des poètes comme Neruda ou, plus proches de nous, Hora, Halas, Nezval ou Holan rendent hommage à son courage intellectuel, à l'ampleur de son tragique, ainsi qu'à la portée métaphysique de son œuvre. Si Kafka a eu des précurseurs parmi les poètes de la ville où il est né, Mácha en fut certainement le plus surprenant. Peu connu hors des frontières de sa langue, Mácha reste le poète à découvrir.

— Ivo FLEISCHMANN

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Pour citer cet article

Ivo FLEISCHMANN. MÁCHA KAREL HYNEK (1810-1836) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • TCHÈQUE RÉPUBLIQUE

    • Écrit par Jaroslav BLAHA, Marie-Elizabeth DUCREUX, Universalis, Marie-Claude MAUREL, Vladimir PESKA
    • 18 252 mots
    • 3 médias
    ...saisissantes ballades dans son Bouquet (1853). Erben est aussi l'un des rares amis et défenseurs d'un des plus purs génies poétiques tchèques, Karel Hynek Mácha (1810-1836), dont le chef-d'œuvre demeure le long poème romantique Mai (1836), aux métaphores et aux contrastes suggestifs, à...

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