RENARD JULES (1864-1910)
« Homme de lettres », Renard vécut pour écrire, pour écrire « juste » et pour écrire « vrai ». À l'écart des écoles et des vogues passagères, rebelle à toute influence autre que celle des classiques français, il abandonne bien vite les formes usées de la nouvelle et du roman, pour devenir un maître de l'expression condensée, de la page parfaite. Il fixe un regard aigu, parfois cruel, sur les petits bourgeois, sur la famille et sur l'enfant. Il repose son œil clair, parfois attendri, sur les prés et les bois, les animaux et les paysans, et projette sur lui-même, sans ménagements, le rayon de sa lanterne sourde. Il entend faire coïncider, le plus exactement possible, la littérature et la vie, l'impression et l'expression, la poésie et la vérité.
Renard trouve sa matière et son style
Jules Renard naquit à Châlons-du-Maine (Mayenne). Il était le dernier-né de François Renard, alors âgé de quarante ans, et d'Anne-Rosa Colin, de douze ans plus jeune que son mari, avec lequel elle ne « s'entendait plus », pas plus qu'elle ne s'entendra avec son fils. De vieille souche paysanne et nivernaise, du côté paternel, il fait, au lycée de Nevers, des études suffisamment brillantes pour qu'on l'envoie à Paris préparer l'École normale supérieure. Il y renonce vite, décidé à tenter sa chance dans les lettres, en cherchant sans conviction quelque emploi. Il lit beaucoup et il écrit : des vers, qu'une actrice récite dans de modestes salons et dont il tire une mince plaquette (1886) ; des nouvelles, pour lesquelles il cherche un éditeur ; un roman, qu'il ne publiera jamais. Les vers sont quelconques ; les nouvelles font songer à du Maupassant teinté de Daudet ; le roman, villageois, dramatique, social et sentimental, est dans la lignée réaliste. Le mariage de Renard en 1888 avec une toute jeune fille lui apporte une certaine aisance, lui permet d'éditer ses nouvelles, à compte d'auteur, et de participer en tant que principal actionnaire à la fondation du Mercure de France, où il commence à se faire connaître comme critique et comme prosateur.
Dans Sourires pincés (1890), son vrai début, Coquecigrues, La Lanterne sourde (1893) et Le Vigneron dans sa vigne (1894), les histoires villageoises se mêlent aux croquis parisiens. L'Écornifleur (1892) et La Maîtresse (1896), écrits en réaction contre les romans psychologiques et mondains (Bourget, Maupassant), relatent en chapitres brefs et en dialogues incisifs les aventures sentimentales peu reluisantes d'un pâle homme de lettres, l'une dans un ménage bourgeois, l'autre avec une femme entretenue. C'est l'impitoyable constat du médiocre et du banal.
Le succès de Sourires pincés, puis de L'Écornifleur, vaut à Renard d'utiles amitiés (M. Schwob, L. Descaves) et l'accès aux grands quotidiens et aux revues. Il y publie des textes courts, qu'il réunit ensuite en volume. Ce sont des choses vues ou vécues (des moments de son enfance, un bouquet d'arbres, la pluie, la rivière, un maçon au travail, un paysan qui fauche ou qui tue le cochon, les animaux de la basse-cour ou des champs), auxquelles une prose de plus en plus nette, solide et serrée donne valeur de poème.
En 1896, Renard a loué, à Chitry (Nièvre), un ancien presbytère où il passe désormais, avec sa femme et ses enfants, plusieurs mois chaque année, loin de l'agitation factice de Paris. Poil de carotte (1900) et Histoires naturelles (1896) lui ont valu une certaine notoriété, mais la consécration lui viendra du théâtre.
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Écrit par
- Léon GUICHARD : rédacteur politique et parlementaire
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Média
Autres références
-
SYMBOLISME - Littérature
- Écrit par Pierre CITTI
- 11 861 mots
- 4 médias
...condition faite à la vie littéraire. Ainsi l'historien est-il autorisé à parler d'un système symboliste des lettres françaises, duquel nul ne peut s'abstraire. On peut lire Poil de carotte sans penser à Mallarmé, mais non L'Écornifleur sans deviner une situation de la littérature propre à ce temps – et...