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PILINSZKY JÀNOS (1921-1981)

Né le 27 novembre 1921 à Budapest, dans une famille d'intellectuels, Jànos Pilinszky fait ses études chez les piaristes ; en 1939 il s'inscrit à la faculté des lettres de Budapest, suit des cours d'histoire de l'art et devient rédacteur adjoint de Élet (« Vie »), hebdomadaire catholique. Ses premiers poèmes sont la description exacte et dénudée de l'individu perdu dans le monde, ils expriment comme évidence le tragique de la créature esseulée dans la société et dans l'univers. En 1944, Pilinszky est mobilisé : la retraite de l'armée hongroise le conduit en Allemagne et, après la fin de la guerre, affamé, il erre dans les camps de concentration libérés. À la fin de 1945, il rentre en Hongrie et devient un des rédacteurs de l'éphémère mais importante revue Ujhold (« Nouvelle Lune »). La guerre, la vue du « scandale » des camps d'extermination renforcent en lui son expérience fondamentale et les poèmes de son premier recueil font état de l'asservissement total de l'homme : « Ce qu'il a vécu dans les camps, écrit Ted Hughes, a brisé le septième sceau, a révélé le nouvel homme, l'humanité mise à nu, de sorte qu'il n'en est resté que la ténacité biologique des cellules. » Ses poésies contre la guerre et le fascisme deviennent de ce fait l'expression concise de l'aliénation et de l'angoisse existentielle de l'homme moderne. Dans ses poèmes, parus à l'ère du stalinisme, la terminologie et l'imagerie catholiques suggèrent « la douleur de l'innocent », ses visions – telle sa poésie la plus connue, Apocryphe, traduite en français par Pierre Emmanuel – sont aussi arides que rayonnantes, car la solitude et la souffrance poussées jusqu'aux mythes prévalent sur la certitude de la grâce. Ses deux oratorios, Requiem et Sötét mennyország (« Paradis noir »), inspirent le même désespoir ; ils posent de nouveau la question cruciale : après Auschwitz, est-il encore possible d'écrire de la poésie ? À partir de 1949, Pilinszky est collaborateur d'un hebdomadaire catholique, Uj Ember (« Homme nouveau ») ; c'est là qu'il publie ses traductions de Simone Weil, dont « l'âme géniale » lui est aussi proche que la poésie de Sylvia Plath et de Paul Celan ; il est fortement influencé par le personnalisme d'Emmanuel Mounier et l'existentialisme catholique de Gabriel Marcel. À ce moment, le déchirement du monde mutilé, « le Dieu remis en question par le néant » (P. Emmanuel), la compassion pour l'homme faillible deviennent les leitmotive de sa poésie ; mais, suggère-t-il, reconnaître l'absurdité du monde, loin de nous dispenser de l'exercice de la morale évangélique, tout au contraire, nous y oblige.

Dans ses poèmes-nouvelles, Pilinszky abandonne le vers régulier pour le vers libre ; il aspire à la nudité, à l'essence du mot, le message se réduit au noyau, la logique rigoureuse des pensées et de la structure cède la place aux fragments énigmatiques. Sa poésie essentiellement mystique aborde les thèmes métaphysiques par des images concrètes : pour exprimer l'existence vécue auparavant, il se sert de la métaphore des camps d'extermination, et le titre comme les poèmes de son recueil Szálkák (« Échardes ») rappellent les éclats de bois de la Croix.

Après 1960, Pilinszky donne des récitals de ses poèmes en Hongrie, en France, aux États-Unis, en Allemagne et en Angleterre. Sa dernière œuvre importante est une interview lyrique, ou plutôt un roman-dialogue, avec l'actrice américaine Sheryl Sutton.

— Pal REZ

Bibliographie

Œuvres de Jànos Pilinszky

Trapéz és korlát (« Trapèze et barres »), 1946 ; Harmadnapon (« Le Troisième Jour »), 1959 ; Requiem, 1964 ; Nagyvárosi ikonok (« Icônes des grandes villes »),[...]

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Pour citer cet article

Pal REZ. PILINSZKY JÀNOS (1921-1981) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HONGRIE

    • Écrit par Jean BÉRENGER, Lorant CZIGANY, Universalis, Albert GYERGYAI, Pierre KENDE, Edith LHOMEL, Marie-Claude MAUREL, Fridrun RINNER
    • 32 134 mots
    • 19 médias
    ...László Nagy (1925-1978), Ferenc Juhász (1928-2015) et Sándor Csoóri (1930-2016), qui poursuivent la tradition populiste avec des accents surréalistes. Les poèmes de János Pilinszky (1921-1981), comme Même dans l'obscurité (1991) d'une noirceur totale, portent la blessure de l'après-guerre et...

Voir aussi