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ÉMERY JACQUES ANDRÉ (1732-1811)

Né à Gex, formé au collège des jésuites de Mâcon, puis par les sulpiciens de Paris, Émery fut agrégé à la Compagnie de Saint-Sulpice en 1758 et envoyé comme professeur dans les séminaires d'Orléans puis de Lyon. Après avoir dirigé le séminaire d'Angers pendant six ans, il fut élu supérieur général de Saint-Sulpice en 1782 et s'attaqua avec succès aux abus d'indiscipline et de mondanité qui s'étaient glissés dans la formation du haut clergé. Aux déistes et aux rationalistes de son époque il oppose la foi de grands penseurs ou de grands spirituels en publiant L'Esprit de Leibniz (1772), L'Esprit de sainte Thérèse (1775), puis Le Christianisme de F. Bacon (1799) et des Pensées de Descartes sur la religion morale (1811).

L'absence dès 1789 de l'archevêque de Paris et l'émigration de la plupart des évêques amènent Émery à tenir, pendant la Révolution, le rôle difficile de conseiller des prêtres restés en France. Au sujet des divers serments imposés successivement, il donne des réponses nuancées, refusant ceux qui lui semblent aller contre le droit de l'Église, tolérant ceux qu'on peut interpréter comme un simple loyalisme politique. Sa correspondance avec des prêtres cachés ou émigrés lui vaut un emprisonnement de quinze mois, dont Thermidor le délivre. Il reprend aussitôt sa place ; son esprit conciliant lui attire la rigueur des royalistes après celle des révolutionnaires. Son rôle discret est pourtant prépondérant dans la remise en ordre de l'Église de France sous le Consulat : conversion de Fesch, démission des évêques de l'Ancien Régime, conseils pour les nominations du nouvel épiscopat, rétablissement du séminaire Saint-Sulpice et, par la Compagnie reconstituée, direction de plusieurs séminaires de province, du Québec et des États-Unis.

Fouché soupçonne Émery, non sans motifs, d'animer la résistance à la politique religieuse de Napoléon à partir de 1807 (défense et illustration d'un gallicanisme très modéré dans les Nouveaux Opuscules de l'abbé Fleury, diffusion de l'excommunication portée contre les usurpateurs de l'État pontifical) ; un décret impérial du 14 février 1810 supprime la Compagnie de Saint-Sulpice, et oblige Émery à se retirer du séminaire. Son prestige et son influence n'en demeurent pas moins grands et Napoléon marque son estime à un interlocuteur qui est souvent son adversaire mais ne met jamais d'inutile hostilité dans son combat. Conseiller de l'Université, désigné pour faire partie des commissions ecclésiastiques de 1809 et 1811, il a le courage de s'opposer aux prétentions de l'Empereur en matière canonique ; s'appuyant habilement sur les traditions gallicanes, il sauve les droits du pape pour la désignation des évêques (17 mars 1811). Quand, un mois plus tard, épuisé par le labeur acharné que lui impose la situation critique du pape et de l'Église, ce « petit prêtre » meurt, Napoléon parle de le faire inhumer au Panthéon.

— Irénée NOYE

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Écrit par

  • : sulpicien, archiviste de la Compagnie de Saint-Sulpice, ingénieur au C.N.R.S.

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Irénée NOYE. ÉMERY JACQUES ANDRÉ (1732-1811) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )