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HIP-HOP (danse)

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Les battles, un rite moderne

Face à des programmations qui demandent des chorégraphies travaillées, pensées dans l’espace de la scène, loin du cercle et du combat initial, les battles permettent de renouer avec les formes originelles de la danse hip-hop. Ils renvoient à l’essence même de cette danse d’une énergie vitale nécessaire à l’expression de soi pour échapper à la mise à l’écart. Expression d’une performance dans des formes codées, danse formelle du défi, la danse hip-hop est à la fois allégorie de la rue et cri du corps. Les battles sont une évidence hip-hop, là où se retrouvent, dans une immense fête de la performance, les danseurs ou, mieux, les breakers, prodiges des figures au sol. Ces temps de défis, où les danseurs s’affrontent selon un règlement strict par équipe ou individuellement, sont l’occasion d’inventer, de se surpasser. L’organisation des battles, du local à l’international, se fait hors de l’institution de la danse. Elle est portée par des compagnies hip-hop, des associations ou, dans leurs grandes dimensions, par des organisateurs de tournée (les tourneurs) et des manageurs. Après vingt ans d’organisation en Allemagne, la finale de la Battle of the Year a lieu depuis 2010 en France, à Montpellier. Celle-ci rassemble de nombreux groupes (crews) et plus de deux cents danseurs du monde entier. Les Français ont été à maintes reprises en finale avec les Coréens, grands maîtres des performances. Parmi les compagnies françaises ayant gagné cette compétition internationale, on peut citer les Wanted Posse (2001), Pockemon Crew (2003), Vagabonds crew (2006, 2011, 2012), Top 9 (2008). Ces groupes ont pu, compte-tenu de la qualité de leurs représentations, être programmés aussi dans les salles de spectacles.

Pendant les battles, les danseurs sont jugés à la fois sur leur danse, leur comportement et leur sens artistique. Ils se défient dans des réponses mutuelles combinant prouesses, rivalité, affrontement et rythme. Bravade et bravoure sont mêlées. Le corps est mis à l’épreuve, outil de la perfection à mener au bout de l’exploit physique. L’endurance à la douleur, les gestes inlassablement répétés, les figures cassantes élaborent une éthique de la souffrance dans un surpassement et une maîtrise de soi, réels et symboliques, visibles et intérieurs, comme un signe de force morale, une marque de réussite personnelle, un acte de justice et une revanche sur la vie.

Le combat se joue dans une tension entre le cercle de l’affrontement et le public qui acclame, encourage et juge. Chaque danseur, vainqueur ou vaincu, apprend de celui qu’il défie. Dans les battles, il y a compétition certes, mais le cercle, par sa symbolique, abolit la hiérarchie du plus faible au plus fort. Les danseurs entrent et sortent, le meilleur se verra toujours évincé dans une circulation permanente et hors de toute domination. Et alors que la danse hip-hop est entrée dans les théâtres et dans une gestion académique et publique de l’espace qui privilégie la représentation frontale, les battles redonnent ou retrouvent cette forme populaire initiale. Sur des gradins, autour du cercle dessiné, le public joue de son influence, par ses cris et ses encouragements, amenant les danseurs à se dépasser. Ces défis sont des grands rassemblements populaires.

Les battles, rites modernes, tiennent lieu de cérémonie et de rassemblements profanes. Ils en possèdent les caractéristiques identificatoires. Le rite apaise les esprits par une ordonnance rassurante et un agencement reconnu du monde. Il permet aussi une intégration de l’individu au groupe, dans un sentiment d’exception et de privilège, tout cela porté par une grande force émotionnelle. On peut aller plus loin et voir dans ces manifestations, comme peut-être dans les manifestations sportives, de vraies étapes ritualisées : les rites de passage avec les sélections et le classement par catégories,[...]

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Claudine MOÏSE. HIP-HOP (danse) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 17/10/2014

Médias

<em>Beat Street</em>, de Stan Lathan - crédits : Orion/ The Kobal Collection/ Picture Desk

Beat Street, de Stan Lathan

Le hip-hop, danse et musique mêlées - crédits : M. Kastelic/ Shutterstock

Le hip-hop, danse et musique mêlées

<em>Käfig Brasil</em>, spectacle de Mourad Merzouki - crédits : M. Cavalca

Käfig Brasil, spectacle de Mourad Merzouki