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THOMAS HENRI (1912-1993)

Poète, romancier, essayiste, traducteur, Henri Thomas a bâti une œuvre abondante et diverse. Une quarantaine d'ouvrages la compose, dont certains ont été couronnés : La Cible, prix Sainte-Beuve 1956 ; John Perkins, prix Médicis 1960 ; Le Promontoire, prix Fémina 1961 ; Les Tours de Notre-Dame, prix des Sept 1979. L'Académie française lui a décerné son grand prix de poésie en 1986.

De ce travail inlassable, Maurice Blanchot a écrit qu'il est « peu visible, protégé de son invisibilité par une certaine indifférence pour les formes et les techniques nouvelles... » De fait, dans sa poésie, Thomas a très tôt trouvé son unité rythmique et syntaxique, qui réside dans la concision des phrases, la scansion brève où la mise entre virgules est déterminante. De Travaux d'aveugle (1941) à Trézeaux (1989), il obéit à l'oreille mentale qui musicalise un vers selon le rythme interne qui lui est propre. Et sa poésie décline toutes les possibilités formelles du genre, s'offrant même ici et là le bonheur (anachronique ?) de rimer, en toute indépendance des modes et des influences, nonobstant l'affiliation intime à Baudelaire, Corbière (à qui il consacrera en 1978 un essai, Tristan le dépossédé), Rimbaud et Verlaine.

La difficile liberté, voilà ce qui a tôt préoccupé ce Vosgien né le 7 décembre 1912 à Anglemont, finalement très enraciné. Liberté qui reste respectueuse, attentive à l'autonomie d'autrui. Et de traverser ce monde par étapes (ses livres), de le parcourir au gré des aléas qu'impose ce Gouvernement provisoire qui symbolise sa perception du flux incontrôlable de la vie. Ainsi les titres des romans construisent-ils une chronologie qui nomme les moments d'une existence vécue sans précipitation, mais sans retenue non plus : Le Seau à charbon (1940), Le Précepteur (1942), La Vie ensemble (1943), Les Déserteurs (1951) racontent la formation (collège de Saint-Dié, lycée Henri-IV, l'enseignement d'Alain...) dans la tradition classique des romans d'initiation. La Nuit de Londres (1956), John Perkins (1960), Le Promontoire (1961) et Le Parjure (1964) dessinent la géographie aventureusement vécue d'un homme sans cesse en mouvement et toujours sur le départ (l'Angleterre, les États-Unis, la Corse ; la tentative de réussir une famille, de gagner sa vie).

À partir du Croc des chiffonniers (1985), sorte de cauchemar sur la vieillesse venue, le lent retour à l'enfance s'impose. Les romans suivants, parfois clairement autobiographiques, rassemblent une histoire éparpillée, et qui retrouve dans les Vosges natales le seul ancrage certain à partir de quoi considérer son existence : Une saison volée (1986), Un détour par la vie (1988), Le Gouvernement provisoire (1989), Le Goût de l'éternel (1990) et Ai-je une patrie ? (1991) — ce petit livre étant certainement l'un des plus parfaitement aboutis. Cette « jeunesse », finalement détestée, une rude tendresse l'enveloppe pourtant, parce qu'elle fut l'origine consciente d'une destinée terrestre que la volonté infrangible de l'écrivain a transmuée en aventure en la plaçant « sous le lien du temps », pour reprendre le titre d'un « livre charnière » paru en 1963. Ses poèmes autant que ses nouvelles ou ses carnets sont comme l'éphéméride des péripéties de son destin.

Les chroniques de Henri Thomas, régulièrement publiées dans La Nouvelle Revue française, furent reprises, modifiées, dans Le Migrateur (1983), Le Tableau d'avancement (1983), Compté, pesé, divisé (1989). Parfait observateur, son « œil » le faisait craindre du monde littéraire auquel il prit une part active, s'associant à la destinée des revues 84, la N.R.F. et Obsidiane. Ce microcosme, Thomas l'a côtoyé sans aménité mais sans méchanceté. Ceux qu'il a le plus fréquentés, et[...]

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François BODDAERT. THOMAS HENRI (1912-1993) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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