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LELY GILBERT (1904-1985)

Le nom de Gilbert Lely s'associe d'abord, à la défense et à la publication d'auteurs libertins, et en particulier au marquis de Sade, dont il a établi les Œuvres complètes et publié dix volumes d'inédits. Cette activité d'éditeur et de présentateur s'est doublée d'une œuvre de biographe à la fois lyrique et scrupuleusement exacte, la Vie du marquis de Sade, publiée de 1952 à 1957.

Mais celui que les surréalistes appelaient « la Lampe scabreuse » est avant tout un poète. Sa poésie, aimée dès son origine par d'éminents esprits (André Suarès, André Breton, René Char, Yves Bonnefoy), a connu 23 éditions entre 1921 et 1982. Ce n'est pourtant qu'en 1984 qu'elle a été citée dans une anthologie. Les critiques littéraires ont-ils été aveuglés par la création biographique dont le caractère scientifique, indéniable, leur aurait semblé incompatible avec la véritable poésie ? Un examen comparé des Œuvres poétiques et de la Vie du marquis de Sade fait justice de cette fausse opposition. Leur imbrication apparaît immédiate. Le souffle de la liberté les parcourt également, et l'érotisme, dans les deux œuvres, brûle à presque toutes les pages. La précision aiguë du langage, les éclats lyriques, les épisodes historiques devenus poèmes, le poème irriguant l'énoncé des faits, la présence de Sade dans l'œuvre poétique, celle de Lely dans la Vie de Sade, tout attire l'attention sur un phénomène rare dans notre littérature.

Sauver de la mort est en effet, selon Lely, la mission de la poésie. Ses œuvres de jeunesse le rattachent à la tradition symboliste et parnassienne, mais déjà l'expression de la sexualité la plus subversive y triomphe. D'abord tenté par la scène, secrétaire de Lugné-Poe au théâtre de l'Œuvre, Lely travaille ensuite chez des éditeurs d'art. En 1933, il publie Arden et entre comme secrétaire de rédaction à la Revue d'humanisme médical Hippocrate où il rencontre Maurice Heine. Il fréquente individuellement quelques surréalistes. Le Surréalisme au service de la révolution fait paraître un de ses poèmes, et les Éditions surréalistes publient en 1936 Je ne veux pas qu'on tue cette femme, avec un frontispice de Max Ernst. Des poèmes originaires de ces recueils se retrouvent en 1980 dans les Œuvres poétiques, distribués dans les deux premières parties de Ma Civilisation. La troisième partie, Le Château-Lyre, écrite pendant l'Occupation, alors que Lely a trouvé refuge près des ruines du château de Sade à La Coste, témoigne d'une véritable illumination : le « prisonnier de tous les régimes » apparaît comme le « symbole de l'autonomie de l'homme » et la « racine de tout espoir ». À la Libération, Lely, continuant l'œuvre de Maurice Heine, n'aura de cesse qu'il n'ait payé sa dette à Sade, sauvant de la poussière et publiant ses manuscrits, consignant parfois heure par heure ses faits et gestes dans les 693 pages de sa biographie.

Sa création poétique proprement dite ne s'interrompt pas pour autant : Lely réinvente en octosyllabes La Folie Tristan d'Oxford et publie, en les corrigeant sans cesse, les éditions successives de Ma Civilisation, qu'il réunit en 1969 à La Folie Tristan et à L'Épouse infidèle sous le titre d'Œuvres poétiques. De nouveaux poèmes, dont « La Parole et le froid », augmentent l'édition de 1980. En 1977 et 1981 paraissent aussi des poésies érotiques, Kidama Vivila et Clio, Sotadès, Charcot, ainsi qu'un poème dramatique, Solomonie la Possédée (1979).

La poésie de Gilbert Lely est subversive parce que sincère. Elle ne spécule jamais sur l'obscurité des mots. L'approximation lui est étrangère, ce qui permet à la fois l'accès à l'irrationnel – Sade est physiquement présent dans [...]

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Jean-Louis GABIN. LELY GILBERT (1904-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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