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SÉFÉRIS GEORGES (1900-1971)

La désagrégation de l'univers homérique

Par tempérament, Séféris était peu enclin aux impulsions et aux emportements ; la spontanéité romantique lui était étrangère ; le surréalisme, « poésie facile », ne semble pas un instant l'avoir fasciné. Rationaliste et « intellectuel » dès ses débuts, il n'aima que les mots qui se détachent de l'âme, comme un fruit mûr, « après avoir absorbé sentiment et pensée ». Ce n'est pas un hasard s'il découvrit de si bonne heure la poésie pure, dans l'œuvre de Valéry surtout. Avec ses premiers recueils de poèmes, Strophe (1931) et La Citerne (1932), il rompit avec le néo-romantisme pour trouver une issue dans l'avant-garde européenne. Quand, à Noël 1931, il connut la poésie de T. S. Eliot par Marina, il était déjà prêt à s'engager dans une voie nouvelle : Mythologie (1935) marque non seulement un renouvellement formel, mais aussi l'élargissement d'une conscience qui insère son cas particulier dans le sort collectif. C'est ainsi qu'Ulysse, absent de cette Odyssée moderne (divisée, comme celle d'Homère, en 24 parties), donne la parole à ses compagnons :

Nous sommes revenus chez nous harassés, les membres rompus, la bouche rongée par le goût de la rouille et du sel.

Séféris, dirait-on, n'a fait par la suite que désagréger l'univers homérique. En vain chercha-t-il, pendant deux ans, le roi d'Asiné, « inconnu, oublié de tous, même d'Homère » : il ne trouva que le vide, « avec les monuments anciens et la tristesse du présent » (Le Roi d'Asiné, 1938-1940). Même en 1955 (Journal de bord III), lorsque il découvrit à Chypre que « le miracle fonctionne encore » ou que « ce monde n'est pas à nous, il est à Homère », son pessimisme ne voit pas moins

[...] des messagers venus dire que tant de souffrances, tant de vie furent englouties en pure perte pour une tunique vide, pour une Hélène.

Pleine de symboles d'immobilité (pierres, églises, statues, puits, citernes, etc.) et de catastrophes (bateaux coulés, rames cassées, etc.), cette poésie, promenant son désespoir et sa fatigue à travers le monde contemporain, n'en est pas moins le signe d'un humanisme assoiffé de justice.

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Écrit par

  • : professeur de littérature néo-hellénique à l'université de Salonique

Classification

Pour citer cet article

Panayotis MOULLAS. SÉFÉRIS GEORGES (1900-1971) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MYTHOLOGIE, Georges Séféris - Fiche de lecture

    • Écrit par Claude-Henry du BORD
    • 948 mots

    Être grec en pays étranger, condamné par l'exil à la nostalgie du pays natal, tel est le destin de Georges Séféris (1900-1971) naît à Smyrne, sur une terre qui n'allait pas rester longtemps grecque. Fils d'un intellectuel qui fit ses études en France, Séféris entre à l'École normale classique...

Voir aussi