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O'CONNOR FLANNERY (1925-1964)

Américaine catholique et sudiste, Flannery O'Connor, née le 25 mars 1925 à Savannah, a pour province la Georgie, mais aussi la chute, la rédemption et la grâce, qu'elle explore à travers toute son œuvre avec une rigueur et une sévérité très jansénistes. En exergue à l'un de ses meilleurs livres, un recueil de nouvelles intitulé Les braves gens ne courent pas les rues (A Good Man Is Hard to Find, 1955), elle a placé une citation de saint Cyrille de Jérusalem : « Pour aller vers le Père des âmes, il nous faut passer sous l'œil du Dragon » ; Flannery O'Connor croit au mal, et que le diable est partout. Inutile de s'étonner si sur la route de ses personnages sont postés la souffrance, le viol, le meurtre.

L'opération de la grâce se fait sans plus de douceur, car Flannery O'Connor attache à la violence une valeur positive ; la vie est un combat, la violence (qui renvoie au spirituel) est nécessaire à qui veut l'emporter sur l'inertie, à preuve Jacob arrachant à l'ange sa bénédiction. Le titre de son second roman, Et ce sont les violents qui l'emportent (The Violent Bear It Away, 1960), est à cet égard révélateur.

On y retrouve une figure qui apparaît déjà dans son premier roman, La Sagesse dans le sang (Wise Blood, 1952), et qui hante toute son œuvre : l'évangéliste, le prophète. Vrai ou faux, tartuffe ou sincère, enthousiaste ou « malgré lui », le prophète représente pour elle un personnage cardinal, assurément l'un des plus signifiants. Flannery O'Connor reprend en effet à son compte l'idée que le prophète ne jouit d'aucun égard dans son pays, pour la raison majeure qu'il est différent, donc perçu comme fou ; ainsi incarne-t-il la marginalité. Hors de la norme, il devient un « grotesque », que l'auteure utilise pour choquer, pour violenter son lecteur, et qui lui permet également d'éclairer l'humain en le grossissant et en le déformant. L'être est mieux révélé quand on le tire à son extrême : autre opération de la violence chez Flannery O'Connor, cette fois au niveau de la technique.

L'essentiel étant de donner à voir en dévoilant des mystères, on comprend que l'écriture constitue pour elle une activité avant tout prophétique, d'où une tendance à symboliser : l'eau ne l'intéresse que pour sa valeur baptismale, le feu pour ses connotations de châtiment, de purification et de révélation. Les paysages sont rares dans son œuvre et limités à quelques détails emblématiques. Ainsi de ses personnages, ce qui explique qu'elle soit plus à l'aise dans la nouvelle que dans le roman, comme en témoigne le célèbre recueil Mon mal vient de plus loin (EverythingthatRises Must Converge, 1965).

Cette œuvre marquée au sceau de la souffrance, dont elle affirme les vertus rédemptrices, et qui insiste sur la présence physique du mal dans l'homme et dans le monde comporte une autre dimension, qui lui confère son originalité la plus profonde : une puissance comique inattendue, qui vient en partie de l'extraordinaire justesse d'oreille de l'écrivaine (ses dialogues comptent parmi les plus savoureux de la littérature américaine), et aussi d'une capacité (optimisme ou rire désespéré ?) à débusquer de la drôlerie sous la pire des catastrophes. Ce mixte de compassion et de cruauté se retrouve, appliqué à sa propre personne, dans sa correspondance : L'Habitude d'être (The Habit of Being, 1979), publiée après la mort de Flannery O’Connor, survenue le 3 août 1964 à Milledgeville (Géorgie).

— Jean-Paul ROSPARS

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'Institut Charles-V, université de Paris-VII-Denis-Diderot

Classification

Pour citer cet article

Jean-Paul ROSPARS. O'CONNOR FLANNERY (1925-1964) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD, Jacques ROUBAUD
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    ...la fiction de la plantation sudiste, jusqu'au moment où cette construction imaginaire révèle au grand jour ses dessous crapuleux. De Georgie également, Flannery O'Connor (1925-1964), qui a découpé un canton bien à elle sur les marges de l'empire faulknérien. L'arriération rurale du Sud devient chez elle,...

Voir aussi