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LAS CASES EMMANUEL AUGUSTIN DIEUDONNÉ MARIE JOSEPH comte de (1766-1842)

Descendant de l'antique famille de Las Cases qui s'était illustrée au xiie siècle dans la lutte contre les Maures, marquis d'Ancien Régime, officier de marine émigré pendant la Révolution, devenu chambellan et comte de l'Empire puis conseiller d'État pendant les Cent Jours, Emmanuel de Las Cases ne présenterait dans l'épopée napoléonienne qu'un intérêt restreint s'il ne s'était attaché à son maître proscrit et n'avait publié en 1823, deux ans après la mort de l'Empereur, le Mémorial de Sainte-Hélène, qui fut peut-être le livre le plus lu du xixe siècle. Las Cases avait, en effet, en compagnie de son fils, suivi Napoléon à Sainte-Hélène et y était resté jusqu'à son expulsion en 1816. Au jour le jour, il avait consigné les propos de l'Empereur, pris sous sa dictée le récit de certaines de ses campagnes et noté les persécutions dont l'illustre captif était l'objet de la part de ses geôliers, dont Hudson Lowe. De retour en France, il publiait en 1823 ce Mémorial dont le retentissement fut si grand qu'il fut réimprimé en 1824, 1830, 1835, 1840 et surtout 1842 avec illustrations de Nicolas Charlet, qu'il fut traduit en de nombreuses langues et, enfin, qu'il valut à Las Cases un siège de député en 1831.

Certes le Mémorial n'a pas créé la légende napoléonienne, il aurait plutôt cherché à l'exploiter : le silence de Las Cases entre son « retour » en 1816 et 1823 ne s'explique pas seulement par la confiscation puis la restitution de ses papiers par le gouvernement anglais, mais aussi par le souci de choisir un moment opportun pour la publication. Le Mémorial n'en a pas moins donné à la légende impériale une ampleur inattendue et favorisé le retour des cendres en 1840. N'a-t-il pas envoûté les romantiques, Chateaubriand et Hugo, Vigny et Balzac ? Comment l'image qu'il leur proposait de Napoléon, Prométhée cloué sur son rocher, ne les aurait-elle pas séduits ? Le Mémorial offrait aussi un portrait politique retouché de l'Empereur, devenu désormais libéral et proclamant par l'intermédiaire de Las Cases que « rien ne saurait détruire ou effacer les grands principes de notre Révolution ». À cet acte de foi démocratique s'ajoutait une vigoureuse défense des unités nationales. Napoléon posait au champion des peuples opprimés contre les rois de la Sainte-Alliance. Enfin le récit des batailles glorieuses de l'Empire, une fois effacé le souvenir de la conscription, contribuait à flatter l'amour-propre d'un pays qui sortait d'une période d'occupation. Tous les contemporains ne furent pas dupes des professions de foi du Mémorial, et Stendhal dénonçait le « chambellanisme » de Las Cases. Mais ce chef-d'œuvre de propagande bonapartiste n'en était pas moins prophétique. N'annonçait-il pas à une Europe engourdie par les travaux pacifiques et soumise à la tutelle vigilante de la Sainte-Alliance le réveil des libertés et l'émancipation des nationalités ?

— Jean TULARD

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Jean TULARD. LAS CASES EMMANUEL AUGUSTIN DIEUDONNÉ MARIE JOSEPH comte de (1766-1842) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • NAPOLÉON Ier BONAPARTE (1769-1821) empereur des Français (1804-1814 et 1815)

    • Écrit par Universalis, Jacques GODECHOT
    • 8 337 mots
    • 18 médias
    ...qu'il fût accompagné d'un officier anglais, mais il refusa bientôt de se plier à cette condition. Il écrivit et parla beaucoup. Dans un premier temps, Las Cases remplit auprès de lui le rôle de secrétaire, compilant le futur Mémorial de Sainte-Hélène (publié en 1823). Une partie de son temps était...

Voir aussi