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DAI WANGSHU[TAI WANG-CHOU](1905-1950)

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Poèmes d'épreuves et d'espoir

La guerre qui s'annonce en Chine avec l'agression japonaise tranche le fil de l'œuvre : parti symboliste et moderniste occidentaliste, le poète revient patriote et engagé. Même divisés par de profondes divergences sur la ligne à suivre, les intellectuels concentrés à Shanghai se sentent tous mobilisés. Dai a pris un poste de rédacteur à Hong Kong tout en poursuivant parallèlement son travail de traduction. Il s'agit cette fois d'Aragon, d'Eluard, de Sartre et de Romain Rolland. Peu de temps pour la poésie. Les Contemporains ont publié en 1933 Brouillons de Wangshu, qui sont les poèmes de recherche formelle d'un chef d'école, même si cette recherche va dans le sens de la simplicité, mais de novembre 1934 à mai 1945 (Dai n'écrira plus rien de 1945 à sa mort) le poète n'écrit plus guère qu'une vingtaine de textes, qui constitueront le recueil Années d'épreuves. La langue et les thèmes de cette partie de l'œuvre tranchent sur le reste, en suivant d'ailleurs une évolution très nette, des poèmes écrits juste après le retour – poèmes de langue et de thèmes traditionnels – aux poèmes des années quarante, plaintes et espoirs du patriote, appels au courage écrits « sur le mur de la prison ». Parmi ces derniers, le plus beau est sans conteste De ma paume meurtrie, dont l'idée poétique – probablement inspirée par les Poèmes de la France malheureuse, tout contemporains (1940), de Supervielle (que Dai est en train de traduire) – garde, une fois transposée à la Chine, une profonde originalité : « De ma paume meurtrie / Je palpe cette immense terre / Ce coin n'est déjà plus que cendres / Et ce coin-là du sang et de la boue / Ce lac doit être mon pays natal... / Rizières du sud du fleuve... / Fleurs de litchis du sud des Passes... » Pour Dai il n'y a plus de bonheur personnel, plus d'espoir autre que la libération de la « Chine éternelle ». Prison, maladie, torture : même l'image radieuse du passé est insupportable ainsi ravagée par « l'ombre des diables » et les tempêtes du cœur. Et pourtant, en ultime message, le dégel : « Si jamais un jour mon printemps revient / Que le gel ancien se craquèle et fonde... »

Dai est mort à Beijing (Pékin) le 20 février 1950. Il travaillait alors comme chef de la section de langue française au Bureau des informations internationales. C'est Ai Qing qui préfaça et publia en 1957 le Choix de poèmes de Wangshu composé des Brouillons et des Années d'épreuves. Longtemps ignorée de la critique chinoise officielle pour son occidentalisme trop patent, l'œuvre de Dai reçoit aujourd'hui justice. On peut considérer que le poète Ai Qing appartient au courant qu'il a lancé, que son œuvre a poursuivi et réalisé ce qui fut l'idéal de Dai et de son contemporain Wen Yiduo : une poésie chinoise vivante, d'expression moderne.

— Michelle LOI

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de jeunes filles, agrégée de l'Université (lettres), docteur d'État, professeur honoraire à l'université de Paris-VIII, département de littérature générale, domaine chinois

Classification

Pour citer cet article

Michelle LOI. DAI WANGSHU [TAI WANG-CHOU] (1905-1950) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature

    • Écrit par , , , , et
    • 47 507 mots
    • 3 médias
    En 1933, les modernistes, sous la direction de Dai Wangshu (1905-1950), alors en France, reprennent des formes plus libres empruntées aux symbolistes français contemporains, suivant en cela l'exemple du symboliste chinois Li Jinfa (1900-1976), dont l'œuvre, passée inaperçue en 1921 et 1925, revient alors...