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CONTRE-POUVOIR

Le pouvoir peut être défini comme la capacité d'un agent à affecter les actions d'autrui. La relation de pouvoir s'engage d'emblée selon un principe d'asymétrie. Elle est dirigée de façon à assurer la production d'effets recherchés en provoquant un comportement ou un ensemble de comportements déterminés. Ce principe d'asymétrie permet d'éclairer la notion de contre-pouvoir. Le contre-pouvoir s'introduit comme une négation de l'asymétrie ouverte par la relation de pouvoir. Il peut être défini en tant que pouvoir négatif et opposable aux effets réels ou supposés du pouvoir. De fait, il assure un rappel du principe de symétrie, qui est censé caractériser la relation sociale ordinaire. Cette première approximation marque la bipolarité inhérente au rapport entre pouvoir et contre-pouvoir. Elle permet aussi d'expliquer que le jeu du pouvoir et du contre-pouvoir est généralement présenté comme un moyen efficace de parvenir à un équilibre social. Pouvoir et contre-pouvoir participent en effet du même processus complexe qui fait surgir, dans tout groupe social, des décisions opératoires et autorisées (Michel Crozier et Erhard Friedberg, L'Acteur et le système, 1977). On parlera alors de contre-pouvoirs s'agissant de groupes d'intérêt organisés, mais limités et relativement autonomes par rapport à un pouvoir établi.

Définition

Il est possible de distinguer deux types de contre-pouvoirs. D'un côté, ceux qui exercent leur influence dans un cadre légal et constitutionnel. Ce type de contre-pouvoirs comprend les groupes qui sont issus du partage constitutionnel entre pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Ils répondent à ce que Max Weber appelle « la forme rationnelle de la séparation du pouvoir fondée sur un règlement » (1921). Même s'ils peuvent être partisans et divergents, les intérêts qu'ils défendent sont le plus souvent présentés comme relevant de l'intérêt général. D'un autre côté, on peut distinguer les contre-pouvoirs qui exercent leur influence dans un cadre social plus étendu. Ce type de contre-pouvoirs recouvre des groupes de toutes sortes (agences de presse, syndicats ouvriers ou patronaux, associations de consommateurs, clubs de pensée, etc.), dont les moyens d'action sont variés (grève, lock-out, lobbying, etc.). Selon Bertrand de Jouvenel, ils relèvent de ce qu'on peut appeler un « intérêt fractionnaire constitué », puisqu'ils s'organisent autour d'objectifs particuliers plus ou moins déclarés et identifiables (Du pouvoir. Histoire naturelle de sa croissance, 1945).

La notion de contre-pouvoir repose sur une réduction de la notion de pouvoir à ses effets socialement négatifs. Cette réduction peut être formulée de la façon suivante : la relation de pouvoir est assimilée à une limitation de la relation sociale. Cette assimilation est une donnée élémentaire du sens commun et des sciences sociales. Le pouvoir est immédiatement perçu sur un mode limitatif : celui qui détient le pouvoir détient la capacité d'orienter la relation sociale selon ses propres préférences, voire d'aller à l'encontre des préférences d'autrui. Ce modèle spontané peut être qualifié d'« intentionnaliste » : la relation sociale doit être expliquée à partir des intentions de A, qui cherche à exercer un pouvoir sur B. Il implique une restriction de la variété des comportements possibles de B, et donc une restriction des situations potentielles entre A et B. Le modèle intentionnaliste se signale cependant par sa fragilité interne. Il laisse dans l'ombre la perception que les acteurs ont de leurs intérêts, et les conditions d'exercice où le pouvoir peut ne pas être observable. Surtout, il passe sous silence l'importante notion de pouvoir légitime.

La pensée moderne et[...]

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Écrit par

  • : enseignant-chercheur, enseignant à l'université de Paris-X-Nanterre, chercheur du C.E.P.E.C.S., université de Paris-V

Classification

Pour citer cet article

Frédéric GONTHIER. CONTRE-POUVOIR [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 15/12/2021