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SECRÉTAN CHARLES (1815-1895)

Né et mort à Lausanne, où il enseigna pendant de longues années, Charles Secrétan suscita en Suisse un mouvement de réflexion religieuse qui constitua un véritable « Réveil » et qui, fondé sur le concept de « raison chrétienne », s'opposait, d'une part, au rationalisme libéral, voué, selon le philosophe, à la dérive panthéiste, d'autre part, au fidéisme de la pure autorité dogmatique. Après des études juridiques, Secrétan fut l'assistant d'Alexandre Vinet à Bâle (1835) ; il se tourna alors vers la métaphysique et suivit, à Munich, les cours de Schelling, dont il devait reprendre certaines intuitions dans son œuvre. Il fonda en 1837 la Revue suisse et fut nommé, l'année suivante, professeur à l'Académie de Lausanne. Révoqué en 1845, lors de la révolution vaudoise, il enseigna, à partir de 1850, au collège de Neuchâtel et, en 1866, reprit possession de sa chaire à Lausanne.

La « métaphysique » de Secrétan est une interprétation du christianisme, un essai de philosophie chrétienne ou de prédication philosophique de la foi. Son œuvre principale, Philosophie de la liberté (1848-1849), oppose à la raison païenne la « raison chrétienne » : « Nous ne pensons point que la raison naturelle eût prédit ces choses [la chute et la rédemption] avant l'événement ; mais nous pensons qu'après l'événement et sa proclamation dans l'Église, la raison chrétienne doit chercher à les entendre et qu'elle peut y parvenir. » Secrétan récuse l'idée d'un Dieu intrinsèquement nécessaire, laquelle, selon lui, ne peut conduire qu'au panthéisme ; il repousse de même celle d'un être naturellement parfait, pour fonder tout son système sur l'absolue liberté de Dieu, « libre vis-à-vis de sa liberté même ». Ainsi seulement peut-on arriver à la contingence de la création, notamment à celle de l'homme, créature qui a le pouvoir de se constituer en elle-même indépendamment de Dieu. C'est par la chute seule, en effet, que l'état actuel du monde paraît compatible avec l'existence d'un Dieu aimant, dont la puissance restauratrice tire l'humanité de son état de souffrance.

L'influence de Schelling sur Secrétan se manifeste non seulement dans cette idée centrale de la liberté, mais aussi dans la notion d'un devenir curatif, d'un progrès selon lequel l'humanité, dissociée par la chute en individus distincts, fait de cette dispersion la source d'innombrables efforts pour aboutir au Christ, l'« individu parfait ».

Secrétan s'intéressa de plus en plus à la morale, une morale fondée sur la foi et sur ce qui est essentiel à l'homme, et même aux questions sociales, délaissant, au fond, la métaphysique : « J'ai bâti des systèmes, dit-il, que j'ai laissé tomber avec assez d'indifférence. » Parmi ses autres œuvres, on peut citer : La Philosophie de Leibniz (1840), Recherches sur la méthode (1857), La Raison et le christianisme (1863), Théologie et Religion (1883), Le Principe de la morale (1884), Le Droit de la femme (1888), Mon Utopie (1892).

— Jean-Louis KLEIN

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Jean-Louis KLEIN. SECRÉTAN CHARLES (1815-1895) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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