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LASSAILLY CHARLES (1806-1843)

Charles Lassailly fut l'une des figures les plus représentatives du phénomène des Jeunes-France (ou Bousingots), qui accompagna la révolution romantique. Son enfance fut assombrie par une série d'épreuves (mort tragique du père noyé dans la Loire) qui influèrent fortement sur un tempérament nerveux et instable. L'étrangeté de son physique plutôt laid et un peu ridicule, sa mise excentrique et voyante, son caractère ouvert et généreux, son esprit bouillonnant et chaotique, une destinée inlassablement vouée à l'échec, enfin, firent plus pour le fixer dans la mémoire de ses contemporains que sa valeur littéraire.

Il décide de s'imposer par un coup d'éclat avec un roman au titre provocant : Les Roueries de Trialph, notre contemporain, avant son suicide (1833). Personnage tourmenté et machiavélique, Trialph séduit deux femmes du grand monde parisien : une pure jeune fille, qu'il néglige, et une comtesse, qu'il torture. Attitude singulièrement misogyne que la suite des événements justifiera, car Trialph découvre que la comtesse le trompe. Il se vengera en aidant son mari à la tuer, non sans avoir pris soin d'absorber lui-même un poison dont les effets se produiront au beau milieu d'un bal... Œuvre déroutante qui semble relever de buts esthétiques et moraux assez mal définis : se déchirer soi-même et s'abîmer dans une mort d'une beauté satanique. Mais le roman ne produit pas l'effet escompté et passe à peu près inaperçu.

Par la suite, Lassailly écrit des poèmes où il tente de concilier idéal démocratique et mystique chrétienne, Poésie sur la mort du fils de Bonaparte, et Le Cadavre, inspiré par le massacre de la rue Transnonain (1834). Après une tentative de collaboration infructueuse avec Gavarni, Lassailly fonde son propre journal, L'Ariel (mars 1836), qui réunit des noms prestigieux : Gautier, Musset, Vigny, Dumas, Gavarni, Émile et Antony Deschamps. Mais le journal cesse de paraître au bout de deux mois. La collaboration avec Balzac, à qui il servit de secrétaire, ne se révèle pas plus heureuse (1839). Le couronnement de cette destinée exemplaire fut un amour romanesque et sans espoir pour la belle comtesse de Magnencourt, entrevue au Bois, qui fut l'objet d'une adoration éperdue et silencieuse. Lassailly se lance enfin dans une entreprise ultime et colossale, la publication de la Revue critique (1840), dont il est à la fois directeur et unique rédacteur. L'on est surpris par la diversité fiévreuse des articles et la violence des polémiques, où les noms les plus illustres, Hugo, Sand, sont pris à partie — violence moins terrible que poignante, car on y devine les signes avant-coureurs de la folie qui nécessita son internement définitif et l'emporta trois ans plus tard. Le matin de sa mort, il aurait eu la joie de serrer entre les siennes les mains de sa belle comtesse, qu'un ami compatissant serait allé implorer.

— France CANH-GRUYER

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France CANH-GRUYER. LASSAILLY CHARLES (1806-1843) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )