COLLECTIF ART
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Quels que soient les rapports de tout art avec la collectivité, on parle précisément d'art collectif quand les œuvres sont produites, non par des personnes individuelles, mais par des groupes. C'est sous l'angle poïétique, par l'examen des instances créatrices non individuelles, que le concept d'art collectif a pris consistance : le développement de l'ethnologie, de l'anthropologie, et la prise en compte des arts populaires, ont imposé le dépassement du dogme que toute création ne peut venir que d'un individu. Mais la variété des groupes sociaux créateurs impose des distinctions d'espèces dans le domaine général des arts collectifs.
D'abord, les collaborations interindividuelles de deux ou trois personnes, si elles relèvent d'un groupe minimal, ne peuvent guère être considérées comme des phénomènes collectifs. On parlera de création transindividuelles pour Breton et Soupault, par exemple, écrivant Les Champs magnétiques, Picasso et Braque créant le cubisme, pour les Goncourt ou les Brontë. Des problèmes spécifiques, qu'on retrouvera à tous les niveaux de la création collective, se posent déjà ici : comment le jeu en commun se dépasse-t-il vers la création d'une œuvre ? Comment les personnes parviennent-elles à dominer leur quant-à-soi en faveur de l'ouvrage commun ?
Les équipes, troupes, ateliers (au théâtre et au cinéma surtout), quand ces groupes ne sont pas seulement des agents d'exécution d'un programme signé par un auteur, mais se transforment en « collectif de travail », ont donné, dans la période récente, de bons exemples d'art collectif. Ainsi, le Théâtre du Soleil, le Groupe d'étude et de recherche musicales (G.E.R.M.), la coopérative picturale des Malassis, et, auparavant, les ateliers du Bauhaus. Certains arts d'équipe sont à ce point tributaires des compétences particulières apportées par chacun des collaborateurs, qu'une question juridique se pose parfois à leur sujet : celle de savoir qui doit toucher les droits d'auteur.
Bauhaus, Weimar (Allemagne). L'atelier de menuiserie, 1923.
Crédits : Bridgeman Images
Distincts de ces équipes sont les « groupes artistiques », de peintres par exemple, qui ont uni leurs forces pour infléchir dans un sens nouveau l'art de leur époque. La peinture est certes un art individuel, mais les promoteurs de l'impressionnisme ont développé un phénomène stylistique collectif. Distinguons, parmi les groupes artistiques de novation, différents types que l'on peut classer par ordre de coalescence interne décroissante : 1. le groupe-communauté (ex. : Die Brücke) ; 2. le groupe-atelier (ex. : le G.E.R.M.) ; 3. le groupe-coopérative (ex. : les impressionnistes, ou les Malassis) ; 4. le groupe-confrérie (ex. : les préraphaélites) ; 5. le groupe nébuleuse (ex. : les surréalistes) ; 6. le groupe diffus (ex. : les graffiteurs du métro de New York). Dans le premier cas, on vit et on travaille ensemble. Dans le dernier, les gens s'ignorent les uns les autres, mais leurs productions, d'abord dispersées, leur confèrent bientôt une conscience de groupe. Dans tous les cas, l'activité de ces artistes est collective en ceci que la production de chacun, fût-elle personnellement exécutée, n'aurait pas été ce qu'elle est sans l'existence stimulante et normative du groupe.
Les graffitis du métro de New York ou de Paris nous amènent à certaines formes d'art collectif dans lesquelles des populations plus ou moins marginales trouvent, surtout dans les zones suburbaines, l'expression de leur particularité et un moyen de survie culturelle. Le tango et le jazz à leur début, le flamenco, le rebétiko grec, le rap ou les Murals de Chicago sont de cette espèce. L'art collectif risque d'y devenir folklorique, sous condition d'un arrêt dans des formes figées. Mais nombre de ces expressions collectives restent actuellement vivantes et créatrices de style.
Partie intégrante du paysage urbain de New York au XXe siècle, les graffiti peints à l'aérosol s'insèrent sur les murs des bâtiments. Ici une momie stylisée, qui rappelle certaines figures de la bande dessinée.
Crédits : L. Morin
Plus largement, des villes, des régions, des nations deviennent collectivement créatrices à travers les fêtes qui expriment leur originalité. Ces fêtes sont, en elles-mêmes, des œuvres collectives. Et elles mobilisent de façon annexe des activités artistiques diverses : ainsi le palio de Sienne. Rome, Byzance, et beaucoup d'autres cités, ont été, ou sont, des foyers de civilisation et se qualifient devant l'histoire par leur apport collectif aux trésors de l'art. C'est pourquoi l'on parle de l'art byzantin ou du « style de Florence » (Francastel). Il est clair que, dans ce cas, nous dépassons la notion d'art collectif pour déboucher dans le domaine plus large de la création collective, toute création de valeurs, ou [...]
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Écrit par :
- René PASSERON : directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., président de la Société internationale de poïétique, membre de l'Académie internationale de philosophie de l'art, Genève
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COBRA, mouvement artistique
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Pour citer l’article
René PASSERON, « COLLECTIF ART », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 10 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/art-collectif/