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MUÑOZ MOLINA ANTONIO (1956- )

Né le 10 janvier 1956 à Úbeda (Jaén, Espagne), Antonio Muñoz Molina, auteur d’une œuvre considérable, se présente tout à la fois comme un chroniqueur attentif à son époque et un passionné de culture. Ses textes sont riches de multiples références littéraires, picturales et cinématographiques. Dans ses romans comme dans ses nouvelles et ses articles, il ne cesse de célébrer la littérature en convoquant les écrivains qu'il admire, notamment Proust, Poe, Borges, Onetti, Cervantès ou encore Baudelaire. Ses premiers articles publiés dans le Diario de Granada, dès 1982, sont rassemblés en 1984 sous le titre El Robinson urbano, puis en 1985 dans Diariodel Nautilus. Si Antonio Muñoz Molina n'hésite pas à recourir aux jeux complexes de l'écriture et en appelle à des genres aussi variés que le roman historique, le roman policier ou le fantastique, c’est pour inviter le lecteur à porter un regard lucide aussi bien sur l'Espagne de la guerre civile et du franquisme que sur le monde contemporain.

Un roman fondateur

En 1986, Antonio Muñoz Molina se fait connaître dans le domaine des lettres avec son premier roman construit en trompe-l'œil : Beatus Ille. Cette œuvre novatrice du point de vue des techniques narratives et de l'intrigue, est aussi une illustration de ce « devoir de mémoire » que défend ardemment l'auteur. En 1969, un jeune étudiant, Minaya, se rend à Mágina – transposition poétique de la ville natale de l'auteur, Úbeda – chez son oncle Manuel, ami d'un certain Jacinto Solana, poète victime de la répression franquiste et sur lequel le jeune homme a entrepris de rédiger une thèse. L'incursion dans le passé du « héros » Solana – qui se révèle en fait être un imposteur – fait resurgir des épisodes violents de la guerre civile et de l'après-guerre. Le lecteur, désorienté par le brouillage de l'instance narratrice, se retrouve piégé par la trame complexe du roman.

L'œuvre romanesque d'Antonio Muñoz Molina semble osciller entre deux pôles : d'une part une fiction clairement alimentée par le cinéma américain, les romans policiers et les romans d'espionnage et d'autre part un récit plus intime aux confins de l'autobiographie. El invierno en Lisboa, (1987, L'Hiver à Lisbonne) et Beltenebros (1989) nous offrent des exemples de romans qui, empruntant certains ressorts à l'intrigue policière, introduisent le lecteur dans l'univers poétique du jazz ou celui, envoûtant, du cinéma. El jinetepolaco (1991, Le Royaume des voix), roman aux accents proustiens, marque un tournant dans l'écriture d'Antonio Muñoz Molina qui puise dans des souvenirs plus personnels et jongle avec les espaces et les temps. La veine intimiste de l'écrivain s'affirme dans Ardorguerrero (1995, Une ardeur guerrière) dont le thème est annoncé dans l'article « Soldados » paru la première fois en 1990 et cinq ans plus tard dans le recueil Las apariencias. La mise en exergue d'une phrase de Montaigne qui fait du « moi » la « matière de son œuvre », les photos de l'auteur en militaire sont, dès le paratexte, des éléments qui pourraient inviter à une lecture autobiographique de l'œuvre, tout comme les correspondances entre le « je » du narrateur et l'auteur. Ce dernier stigmatise ici les comportements absurdes et avilissants de l'armée.

En 1997, avec Plenilunio (Pleine Lune) qui participe du roman noir, l'écrivain renoue avec le genre de l'enquête, mais dans un registre différent de celui empreint d'humour qui caractérise Los Misterios de Madrid (1992, Les Mystères de Madrid). Le livre porte un regard désabusé sur la société espagnole contemporaine minée par l'indifférence et la cruauté. Le fantastique d'inspiration cortázarienne trouve un écho chez Antonio Muñoz Molina[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à la faculté des lettres, Sorbonne université

Classification

Pour citer cet article

Corinne CRISTINI. MUÑOZ MOLINA ANTONIO (1956- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PLEINE LUNE (A. Muñoz Molina)

    • Écrit par Bernard SESÉ
    • 1 280 mots

    Parmi les écrivains de sa génération, Antonio Muñoz Molina, né en 1956 à Úbeda (Jaén), a obtenu une notoriété particulière avec la publication de Beatus ille (1986) et surtout de El jinete polaco (Le Cavalier polonais, 1991), qui reçut, en Espagne, le prix Planeta et le prix national de littérature....

  • SÉFARADE (A. Muñoz Molina)

    • Écrit par Bernard SESÉ
    • 985 mots
    • 1 média

    « Une sorte d'encyclopédie de l'exil... », c'est ainsi qu'Antonio Muñoz Molina définit Séfarade (trad. P. Bataillon, Seuil, Paris, 2003). De la maladie mortelle dont on est atteint jusqu'à l'impitoyable persécution qui cherche à anéantir un être humain pour la seule raison...

  • ESPAGNE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Jean CASSOU, Corinne CRISTINI, Jean-Pierre RESSOT
    • 13 749 mots
    • 4 médias
    ...série qui comptera six volumes et qu'elle a intitulée « Episodios de una guerra interminable » (« Épisodes d'une guerre interminable »). Citons également l'œuvre monumentale d'Antonio Muñoz Molina, La noche de los tiempos (Dans la grande nuit des temps), 2009, qui, à travers l'histoire d'un architecte...

Voir aussi