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FADEÏEV ALEXANDRE ALEXANDROVITCH (1901-1956)

Secrétaire de l'Union des écrivains de 1939 à 1954, membre du comité central du Parti communiste de l'Union soviétique de 1939 à 1956 (XXe congrès) : la carrière politique et littéraire de Fadeïev se confond avec la période stalinienne. Son engagement politique est précoce : dès 1918, il entre au Parti bolchevik, puis prend part à la guerre civile jusqu'en 1921 ; il milite dans le Parti communiste jusqu'en 1926, date à laquelle il devient écrivain professionnel. Son premier roman, La Débâcle (Razgrom, 1927) — débâcle d'un groupe de partisans en Extrême-Orient — est salué comme un événement par la critique : c'est, en effet, une des premières œuvres à mettre en scène un communiste qui voit dans la révolution non pas le chaos mais un monde nouveau ; dans ce roman, la forme marque un retour au réalisme tolstoïen après les recherches d'avant-garde des années vingt. Retour à Tolstoï pour ce qui est de la forme, positions communistes pour l'idéologie : ce sont les mots d'ordre des écrivains prolétariens, dont Fadeïev devient l'un des dirigeants. En 1932, lors de la dissolution des groupes littéraires, il participe à la création de l'Union des écrivains, sans rien abandonner de ses théories et de ses méthodes.

Pris par ses tâches de dirigeant, puis de secrétaire, auxquelles, après guerre, s'ajoutent celles d'animateur du Mouvement de la paix, il y déploie toute son énergie, son savoir et son talent : il est présent partout ; pas une réunion, ni une discussion, ni une commémoration à laquelle il n'assiste. Il lutte pour une littérature fondée sur le réalisme socialiste, qui doit « montrer la vie telle qu'elle est et simultanément telle qu'elle devrait être ». Il mène donc les campagnes contre Zochtchenko et Akhmatova en 1946, contre le cosmopolitisme... Sans doute, nombre d'écrivains ont-ils eu à souffrir par sa faute, mais son rôle n'a pas été clair : essayait-il de protéger les écrivains contre la répression, comme le suggère Ehrenbourg, ou la dirigeait-il, comme l'insinue Nadejda Mandelstam ? Lui-même, en tout cas, a beaucoup souffert en tant qu'écrivain. D'abord le silence : outre La Débâcle, il ne finira qu'un seul roman, La Jeune Garde (Molodaja Gvardija, 1945). Ce qui devait être l'œuvre de sa vie, Le Dernier des Oudégués (Poslednij iz Udege), cent fois repris, n'a jamais été terminé.

Alors que La Métallurgie (Čërnaja Metallurgija), illustrant, selon le schéma classique du roman stalinien, la bataille pour le traitement de la métallurgie entre les novateurs et les conservateurs, était presque achevé, on s'avisa que les propositions des « novateurs » étaient erronées et que les conservateurs étaient des gens sérieux ! Même La Jeune Garde (où Fadeïev, à partir de témoignages, montre l'héroïsme, dans la lutte contre l'occupant hitlérien, de la jeune génération des « hommes nouveaux » du socialisme), qui obtint le prix Staline et fut adapté pour le théâtre et le cinéma, fut en 1947 critiqué dans la Pravda, et, dit-on, par Staline lui-même, pour n'avoir pas mis en avant l'essentiel, c'est-à-dire le rôle du parti. Fadeïev, après une autocritique, récrivit son livre. Ce roman manichéen, très aimé des adolescents, est considéré comme un classique de la littérature soviétique.

Fadeïev, bien qu'admirateur sincère de Staline, fut parfois en désaccord avec les positions officielles dans ses goûts littéraires personnels (il aimait Boris Pasternak et Ossip Mandelstam) ; il ne put survivre à la déstalinisation, et se suicida le 13 mai 1956, trois mois après le XXe congrès.

— Alexis BERELOWITCH

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître de conférences à l'université de Paris-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Alexis BERELOWITCH. FADEÏEV ALEXANDRE ALEXANDROVITCH (1901-1956) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • RÉALISME SOCIALISTE

    • Écrit par John BERGER, Howard DANIEL, Antoine GARRIGUES
    • 3 542 mots
    • 1 média
    ...exerçait l'influence la plus profonde et la plus large sur les masses. Certaines œuvres du début, tels Le Don Paisible de Cholokhov, ou La Défaite de Fadeïev, purent franchir les écueils du dogmatisme doctrinaire et se tailler une place importante en tant qu'œuvres littéraires. Mais avec le temps, la...
  • RUSSIE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Michel AUCOUTURIER, Marie-Christine AUTANT-MATHIEU, Hélène HENRY, Hélène MÉLAT, Georges NIVAT
    • 23 999 mots
    • 7 médias
    ...pour avoir, dans V okopahStalingrada(Dans les tranchées de Stalingrad, 1946), peint la guerre sans emphase, sous son jour quotidien ; elle oblige Fadéïev à remanier son roman Molodajagvardija(La Jeune Garde, 1945) de façon à accentuer le rôle du parti dans l'organisation de la résistance à l'occupant...

Voir aussi