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PETROVIĆ ALEKSANDAR (1929-1994)

Cinéaste yougoslave, Aleksandar Petrović est né à Paris. Il appartient à la génération qui se fixa comme objectif de permettre au cinéma de son pays d'échapper à la pure convention : le film de guerre et la glorification, la commémoration de la Résistance. Comme dans les autres démocraties populaires, cela impliquait trois axes : parler différemment (d'une façon moins héroïque, plus quotidienne) du passé ; témoigner sur la réalité contemporaine de la Yougoslavie ; revenir — même à mots couverts — sur l'héritage stalinien. Avant de tenter ce retour en adaptant, en 1972, un roman de Boulgakov, Le Maître et Marguerite, Petrović avait débuté au cinéma avec des récits de guerre, Deux (Dvoje, 1962) et Trois (Tri, 1965), dont le ton nouveau avait été remarqué. Dans Le Maître et Marguerite, Petrović réussit tant bien que mal à transposer l'humour et la fantaisie de Boulgakov. Le sujet est brûlant : en 1925, un auteur dramatique soviétique tente en vain de monter à la scène une pièce sur Ponce Pilate, dont les propos sont peu conformistes et déplaisent au régime. L'auteur finit par être relégué dans un asile psychiatrique, malgré l'intervention du Diable qui lui apporte tout son concours. Ensemble burlesque, fantasmagorique et tragique, la pièce s'en prend aux structures et à l'appareil guindé du parti sans pour autant faire de l'anticommunisme. À cette volonté de témoigner est essentiellement lié chez Petrović un « goût » de la beauté qui lui a valu, en même temps que la Palme d'or au festival de Cannes en 1967 pour J'ai même rencontré des Tziganes heureux (Skulpjaci Perja), une réputation d'esthète. Il est vrai que, dans ce film, Petrović concilie les deux directions : il porte un regard froid sur des gens qui attachent un grand prix à la beauté, les Tziganes, devenus révélateurs de l'ensemble de la société yougoslave. En 1977, il réalise Portrait de groupe avec dame et, dix ans après, Migrations, adaptation d'un classique de la littérature serbe. La réalisation ne se fait pas sans mal : le film ne sort à Belgrade qu'en 1994.

— Jean-Louis COMOLLI

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    ...histoires de partisans, exaltant inlassablement la saga de la lutte contre l'occupant. Une rupture se produisit pourtant vers 1965 avec les films d'Aleksander Petrović (Tri, trois épisodes de la résistance liés par la chronologie, un peu dans la veine du Paisa de Roberto Rossellini) et de Dušan Makavejev...