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SAMAIN ALBERT (1858-1900)

Né à Lille, Albert Samain a dû abandonner ses études secondaires, à la suite de la mort de son père, pour faire vivre sa famille. D'abord employé de banque, il quitte Lille et vient à Paris où il ne trouve que de modestes emplois. Après un échec dans le journalisme, il travaille à la préfecture de la Seine comme expéditionnaire et, même après ses premiers succès littéraires, il y restera afin de préserver, dans ces tâches simples, la liberté de son esprit. Il lit ses poèmes au cabaret du Chat noir et participe au groupe « Nous autres » qui réunit quelques poètes marginaux. En 1890, il est l'un des membres fondateurs du Mercure de France, mais il répugne à publier ses propres vers. Pressé par ses amis, le poète Jehan Rictus, le compositeur Raymond Bonheur, il fait paraître en 1893 le recueil Au jardin de l'Infante.

Le succès est immédiat, après que François Coppée lui a consacré un article très élogieux dans Le Journal. Il s'intéresse alors au symbolisme et, autodidacte, se laisse séduire par l'hellénisme à la mode. Cependant, ce nostalgique du romantisme se refuse toujours à essayer le vers libre et il assouplit seulement la prosodie à la langueur de sa sensualité. Aux flancs du vase (1898) se situe au carrefour de toutes ces influences, et c'est d'abord André Chénier que ses poèmes évoquent. On y retrouve cette fascination de la chair comme de ce qui est fondamentalement défendu à ce sensuel malade. Les décors somptueux et les visages chlorotiques sont ceux des tableaux de Gustave Moreau, avec le même sens du féerique, l'affectation aussi, qui devient parfois mièvrerie. Se dégage cependant de tout cela, de ce symbolisme maladif, un charme décadent auquel on ne peut rester insensible. Après la mort de sa mère, son état de santé s'aggrave et il se retire chez Raymond Bonheur. Il y écrit Polyphème, un drame lyrique pour lequel son hôte compose des chœurs et qui figure assurément comme son chef-d'œuvre. Mise en scène au théâtre de l'Œuvre quatre ans après sa mort, cette pièce reprend, avec une évidente visée autobiographique, tous les thèmes de l'œuvre de Samain. Celui-ci se détache de toutes les influences qui l'avaient retenu jusque-là et il trouve un accent vraiment original pour exprimer sa sensualité, le même que dans les quelques poèmes du Chariot d'or (1901). Mais sa mort prématurée prive notre littérature du grand poète qui se faisait pressentir.

— Antoine COMPAGNON

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université Columbia, États-Unis

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Antoine COMPAGNON. SAMAIN ALBERT (1858-1900) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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