DRAVIDIENS STYLES
Les mots sanskrits nāgara, vesara et drāviḍa, qui désignent dans les traités spécialisés des catégories de temples, sans toutefois s'accompagner de définitions précises, furent appliqués par J. Fergusson, un des pionniers de l'histoire de l'art de l'Inde, aux trois groupes de styles propres à l'architecture religieuse médiévale de ce pays. Les vieux auteurs fondaient probablement leur classification sur les plans des édifices. Mais ce fut l'observation empirique de variantes dans les superstructures, constituant des différences majeures d'une région à l'autre et correspondant à des aires nettement délimitées, qui conduisit l'archéologue à rapprocher les types concernés des termes précités. Nāgara fut associé aux temples du nord, de l'ouest, du centre et du nord-est du sous-continent dont le sanctuaire est toujours coiffé d'une haute tour curviligne ; drāviḍa, aux temples du sud-est du Dekkan, caractérisés par des toitures pyramidales à multiples étages hérissés de pavillons miniatures ; enfin vesara (mixte), à des constructions localisées à l'ouest et au centre du Dekkan dans lesquelles on discerne des influences combinées des styles classiques du nord et du sud. Dans ce contexte, le mot drāviḍa revêt un sens strictement géographique en tant qu'il désigne la partie sud-orientale de la péninsule et que toute connotation ethnique lui est étrangère (les peuples dravidiens, de souche et de langues non aryennes, occupent au Dekkan une zone beaucoup plus vaste que celle où s'est développée l'architecture dite dravidienne). G. Jouveau-Dubreuil, en étudiant systématiquement les temples du pays tamoul, a isolé leurs particularités et dégagé un « ordre dravidien » dont il a précisé l'évolution. Son analyse reste, dans l'ensemble, un solide point d'appui pour les travaux contemporains.
Après quelques tâtonnements, le premier style dravidien s'épanouit dans la région de Madras au viie siècle. Il puise ses thèmes décoratifs et iconographiques à un répertoire commun aux diverses écoles indiennes. Mais déjà son individualité apparaît, qui, en une évolution ininterrompue (contrairement à l'art hindou septentrional, victime des invasions musulmanes), ne cessera de s'affirmer jusqu'aux temps modernes. Pourtant cette évolution restera conforme aux lois générales de l'architecture indienne : tandis que s'accroissent les structures, les éléments architectoniques traditionnels, s'atrophiant ou s'amplifiant, se combinent et se multiplient. D'où la surcharge souvent déroutante, pour les étrangers, des styles dravidiens tardifs « baroques ». Si l'on considère, pourtant, sous le seul angle décoratif une portion verticale d'un monument dravidien, à quelque époque qu'il appartienne, on constate une superposition constante d'éléments donnés : soubassement, piliers ou pilastres — s'il s'agit de la décoration extérieure d'un mur — et entablement, qui sont accompagnés de moulures de types déterminés.
L'observateur distingue ainsi de bas en haut trois parties :
– le soubassement formé d'une plinthe, d'un tore, d'une rainure et d'un larmier, orné d'un motif en forme de fer à cheval plus ou moins déformé ;
– le pilastre divisé en trois régions : tout d'abord une bande sculptée de représentations d'animaux ; ensuite un fût surmonté d'une sorte de corbeille, puis d'un bulbe, puis d'une doucine renversée, puis d'un tailloir, puis encore d'un coussinet cubique séparant l'abaque du corbeau ; enfin un entablement proprement dit, que supporte un « corbeau », dont la forme varie avec les époques et que surmonte un larmier, décoré comme celui du soubassement de motifs en forme de fer à cheval ;[...]
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Écrit par
- Rita RÉGNIER : chargée de recherche au CNRS, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet
Classification
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INDE (Arts et culture) - L'art
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