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BLONDEL ROGER (1895-1980)

Sorte de Voltaire contemporain mâtiné d'un Swift des Temps modernes qui aurait mal digéré les leçons du surréalisme, Roger Blondel a construit, sous son nom ou sous quelque autre, une œuvre à l'apparence anarchique et débonnaire dont, pourtant, la signification est claire : la littérature s'ennuie et la langue française prend du ventre. Blondel inocula de l'insolence, du piquant et du cynisme dans la première ; et il dégraissa, muscla et dépoussiéra la seconde. Témoignage de cette attitude de franc-tireur enjoué, l'aveu qu'il fit en 1978 à un journaliste des Nouvelles littéraires : « J'ai pris le non-sérieux comme centre de gravité. Le sujet central de toutes mes fables est la définition du bafouillage primordial. Celui qui est spontané, banal, surabondant, celui que l'on entend dans la rue, aux comptoirs des cafés, dans le métro, tous ces graffiti sonores qui montrent quotidiennement que notre monde bredouille... »

En 1956, Roger Blondel publie Le Mouton enragé, où il raconte la métamorphose singulière d'un mouton en lion ; en 1964, il signe Bradfer et l'éternel, sans doute son meilleur roman, celui dont Alexandre Vialatte reconnaissait qu'il était d'un écrivain « qui ne dit jamais un mot de trop. Tout ce qu'il dit est sous-tendu par une expérience et un tact que ne peuvent avoir que bien peu d'âmes ». Le héros, Bradfer, est un homme qui s'interroge, un rêveur en mal d'explications rationnelles, un dissident de la logique qui veut connaître le secret des choses et le pourquoi du monde, un mortel qui désire l'immortalité, un corps qui veut voler, bref un merveilleux fou pensant dans sa drôle de maison qui n'hésite pas à apostropher l'employé du gaz pour lui raconter sa conception de l'univers... En 1973, il s'aventure, avec Un endroit nommé la vie, dans une méandreuse méditation sur la vie, le temps, les limites de l'humaine nature, et, en 1975, avec Graffiti, il chamboule tout notre apprentissage de la grammaire classique, et fait prendre une douche froide à la langue dont il dévoile les stéréotypes, les signifiants, les pulsions souterraines.

Insaisissable Roger Blondel : véritable « facteur Cheval » de la littérature, il laissa pénétrer dans le monde clos de l'esprit un vent d'originalité particulièrement salutaire. Il était le père du critique Claude Bonnefoy, mort un an avant lui.

— Jérôme GARCIN

Œuvres

R. Blondel, Le Mouton enragé, Gallimard, Paris, 1956 ; L'Archange, Robert Laffont, Paris, 1963 ; Bradfer et l'éternel, Robert Laffont, 1964, rééd. Jean-Claude Lattès, Paris, 1979 ; Le Bœuf, Robert Laffont, 1966 ; La Grande Parlerie, Jean-Claude Lattès, 1973 ; Un endroit nommé la vie, ibid., 1973 ; Oh ! Oh !, ibid., 1974 ; Les Graffiti, ibid., 1975.

Sous le pseudonyme de B. R. Bruss, Roger Blondel a publié une cinquantaine de romans aux éditions Fleuve noir.

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Jérôme GARCIN. BLONDEL ROGER (1895-1980) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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