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LATARJET RAYMOND (1911-1998)

Raymond Latarjet est l'une des personnalités qui ont dominé la biologie en France, la radiobiologie dans le monde.

Né en 1911 à Lyon, dans une famille de médecins et d'universitaires, il est attiré par la physique et il soutient, en 1937, une thèse de doctorat ès sciences physiques, mais il suit aussi la tradition familiale et devient docteur en pharmacie et en médecine. Tout naturellement, ses premiers travaux, à Lyon, se situent à la jonction de la physique et de la biologie. En 1935, il présente un travail prémonitoire traitant de l'impact des variations de l'ozone atmosphérique sur l'activité biologique des rayonnements solaires. Sa thèse de physique a pour sujet la dosimétrie des rayons ultraviolets et, en 1940, sa thèse de médecine porte sur l'action des U.V. sur les microbes. Ces travaux sont remarqués et, en 1941, Antoine Lacassagne, un autre Lyonnais, qui dirige la section de biologie de l'institut du radium, le fait venir auprès de lui à Paris. Il s'oriente alors définitivement vers la radiobiologie et les rayonnements ionisants.

En 1945, il est parmi les tout premiers jeunes scientifiques français à obtenir une bourse pour un séjour d'un an aux États-Unis. Séjour fécond puisqu'il y fait deux découvertes de premier plan et noue des liens avec les plus grandes équipes. Avec Salvador Luria, l'un des fondateurs de la biologie moléculaire, il démontre la variabilité du pouvoir infectieux du phage (parasite d'une bactérie) au cours de son cycle de multiplication, introduisant une nouvelle méthode d'étude dans le cycle des virus. Avec M. Demerec, il décrit l'apparition des radiomutations différées chez Escherichia coli, travail pionnier qui, un demi-siècle plus tard, continue à passionner les radiobiologistes et à leur poser une énigme : celle de l'origine de cette instabilité génétique.

Revenu en France, Raymond Latarjet donne la pleine mesure de sa fécondité. Il induit la première mutation virale, montre que les rayonnements ionisants sont, comme les rayons U.V., capables de provoquer la lysogénie (phénomène de mise en liberté des phages par une bactérie parasitée), étudie avec H. Ephrussi-Taylor et N. Rebeyrotte l'effet des rayonnements ionisants sur le pouvoir transformant du pneumocoque, inaugurant ainsi une série de travaux sur la radiochimie des acides nucléiques. En 1954, Antoine Lacassagne ayant pris sa retraite, il lui succède à la tête de la section de biologie de l'institut du radium à un moment ou l'approfondissement de l'étude des interactions virus-cellules l'amène aux virus cancérogènes. Ce sera dès lors l'un des thèmes de recherche de son équipe à côté de l'étude de la radiosensibilité cellulaire et des radioleucémies. Sous son impulsion, les laboratoires de la rue d'Ulm deviennent l'un des foyers internationaux de virologie, génotoxicologie et cancérologie expérimentale. Il se révèle un chef d'école inspiré, dynamique, demandant beaucoup mais donnant beaucoup, admiré et, mieux, aimé par ses collaborateurs même les plus humbles. Ses travaux personnels le ramènent vers la radiobiologie et il exprime, avec Ethel Moustacchi, la génotoxicité des agents chimiques en rad-équivalent, ce qui permet de comparer, avec une même unité, les risques mutagènes des agents physiques et chimiques ; ce travail montre en particulier que la génotoxicité des rayonnements ionisants est relativement faible par rapport à celle des nombreux agents chimiques et remet en perspective les règles de protection concernant ces divers agents.

Ses travaux, la direction de son institut ne détournent pas Raymond Latarjet de son rôle de scientifique citoyen. En 1958, il est l'un des douze sages de la Direction générale à la recherche scientifique et technique (D.G.R.S.T.) qui vont, sous la direction du général de Gaulle, réactiver[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de la faculté de médecine de Paris-Sud

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Pour citer cet article

Maurice TUBIANA. LATARJET RAYMOND (1911-1998) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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