Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ERESHKIGAL POÈME D'

Poème babylonien qui veut expliquer comment Nergal, à l'origine dieu du monde supérieur, est devenu le maître des Enfers, où ne régnait, jusque-là, dans l'austérité et le désespoir, qu'Ereshkigal (« la reine de la grande Terre », c'est-à-dire les Enfers).

On en connaît trois manuscrits et deux versions, toutes rédigées en langue babylonienne. La première, la plus ancienne, provient de la bibliothèque du pharaon Aménophis IV (première moitié du ~ xive s.), à Tell al-Amarna, en Égypte. Elle servait d'exercice scolaire aux scribes locaux, pour apprendre le babylonien, langue diplomatique du temps. La seconde a été trouvée en pays assyrien ; elle date du ~ viie siècle ; elle est plus longue (440 vers environ) et de style plus fleuri. Le succès de l'œuvre fut assez grand pour qu'elle fût connue, à basse époque, en Mésopotamie du Sud, à Uruk.

Les dieux se préparent à festoyer dans les cieux. Ils désirent faire porter une part du repas à leur sœur, Ereshkigal, que la stricte étiquette du monde infernal isole et à laquelle il est interdit de quitter son empire. À l'invitation d'Anu, le roi des dieux, elle envoie à sa cour son messager, le Destin. Tous les dieux se lèvent (ou s'inclinent, selon les versions) ; un seul refuse ce geste de courtoisie. Ereshkigal, outragée, charge le Destin de découvrir le coupable, que ses compagnons, complices, refusent de nommer : Nergal. Ea, le dieu-sage, le sermonne, puis lui conseille, semble-t-il, de se préparer à un voyage au pays des ombres, pour tenter, peut-être (car le texte est mutilé à cet endroit), de fléchir Ereshkigal. Nergal a reçu auparavant d'Ea d'autres conseils : ne goûter à rien de ce qui lui sera offert, témoigner de la plus expresse réserve à l'égard de la déesse.

Arrivé à la première porte des Enfers, il est reconnu par le Destin comme le coupable. Nergal pris, celui-ci pourra remplacer sa maîtresse, qui aura l'occasion de monter chez Anu. Mais Nergal déjoue tous les pièges ; il séduit même la reine des morts, quitte à l'abandonner avant d'être définitivement prisonnier du monde d'en bas. La déesse, qui a découvert l'amour avec lui, laisse éclater son désespoir et menace les dieux supérieurs de renvoyer les morts détruire les vivants sur la terre. Ea métamorphose alors le séducteur en être disgracié ; mais le déguisement sera, enfin, percé à jour et Nergal redescend aux Enfers, décidé à jouer le même jeu ; il est alors pris à son propre piège et Anu décide que Nergal est le roi du monde inférieur, aux côtés de son épouse, Ereshkigal, à jamais (R. Labat, Les Religions du Proche-Orient, Paris, 1970).

— Daniel ARNAUD

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (section des sciences religieuses) Paris

Classification

Pour citer cet article

Daniel ARNAUD. ERESHKIGAL POÈME D' [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ASSYRO-BABYLONIENNE LITTÉRATURE

    • Écrit par René LABAT
    • 4 630 mots
    C'est, au contraire, dans le monde infernal que nous transporte un poème de 440 vers dont l'héroïne est la déesse des morts Ereshkigal. Solitaire et triste en son obscur royaume, elle fut, un jour, humiliée par un dieu du ciel, son frère, le jeune et beau Nergal. Celui-ci n'échappa à la...
  • NERGAL

    • Écrit par Daniel ARNAUD
    • 640 mots

    Une des figures divines les plus importantes du panthéon babylonien. Nergal signifierait, en sumérien, « le maître de la Grande Ville », c'est-à-dire des Enfers. Même si l'on voit dans cette interprétation une étymologie seconde, cela montre pourtant bien le caractère essentiel du dieu. Sa ville sainte...

Voir aussi